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Le Bar Nabé
14 septembre 2004

Le savoir-rompre de Barnabé

 

Il y a toujours cet agacement quand vous connaissez la fin de l'histoire et que la situation traîne en longueur comme une plainte désagréable.

J'ai ressenti cela deux fois, face à deux elles bien différentes.

 

Elle était belle et c'était sans aucun doute une des plus belles filles de la classe, si ce n'est plus.

 

C'était une classe studieuse de première et le collège des années passées ne m'avait pas rassuré quant à ma capacité de séduire et de plaire. C'était une classe où les clans existaient mais restaient bon enfant. Ce fut une classe sympathique où nous pouvions rire de tout au milieu d'exercices imposés.

Elle était belle et faisait l'unanimité, car elle portait aussi l'intelligence et la joie de vivre. Elle le fait sans doute encore car c'est une nature entière. Une sorte de Manon des sources scolaire et brune.

Je n'avais jamais imaginé pouvoir tomber dans son regard, je ne sais toujours pas comment ce naïf adolescent timide avait pu l'intéresser. Je n'étais ni le plus drôle, sûrement pas le plus extravaguant et malheureusement pas charpenté selon les canons de la beauté masculine.

 

Qu'est-ce qui l'a bien poussée à s'intéresser à moi ?

L'âme des filles est insondable.

 

Je crois que, n'étant pas préparé à cela, je n'ai jamais réellement été amoureux d'elle. Ou alors, j'étais trop impressionné.

Lorsque la fin s'annonçait, trois jours, trois semaines après, ou trois mois, enfin pas bien longtemps, je le savais parce qu'on ne m'évite pas si facilement au travers des couloirs. J'attendais la phrase, mais elle ne venait pas.

Poussée dans ses derniers tranchements par une naïveté contrôlée de ma part, j'accédais enfin à son désir de voir cesser cette relation. Je ne lui demandais pas de raisons substantielles à sa décision et je m'apercevais avec grand étonnement que je ne fus pas si perturbé que cela.

 

Bizarre comme une rupture ne fut pas si difficile à accepter, même avec elle, sacrée belle jeune fille.

Mes amis ne comprenaient pas mes mots quand je leur apprenais que ce ne fut pas grand-chose pour moi.

Ils plaçaient en elle l'admiration que je portais à nombres d'autres filles du lycée, les observant béatement à travers une vitre de salle de cours.

 

C'était amusant et ce n'est que quelques années après que je sortais de cette histoire une immense fierté.

 

La séparation consommée en un instant, vient le temps de l'évitement inconscient, de la parole anesthésiée, des regards furtifs et fautifs. Ce temps dure autant que l'intelligence des deux anciens partenaires ne le laisse s'étaler.

Dans la même classe, il n'était pas facile de s'esquiver. Transition.

Faute de rancœur ou de colère, de culpabilité des deux côtés, vient alors le temps de la bise. La bise est difficile une fois que le baiser amoureux a existé.

Les premières bises d'après sont hésitantes, rougissantes.

Je n'ai jamais aimé les premières bises d'après, c'était le signe imparable que tout avait changé.

Tant que le baiser ne s'était pas mû en bises, le contact des lèvres conservait son charme et vivait.

Je me suis trouvé bien dépourvu quand la bise fut venue.

 

La dernière étape est épatante. Les hésitations liées à la relation déchue s'envolent et nous avions pu retrouver le naturel qui était le notre, comme s'il ne s'était rien passé, comme si rien n'avait existé entre nous.

Seule une infime complicité persistait. Un clin d'œil qui pouvait facilement confondre l'amitié.

Nous avons rigolé comme avant, nous nous sommes envoyés quelques acidités teintées d'humour sain.

 

Nous deux, parents depuis, avons échangé des regards amusés à nos trente ans. Bien des années après notre dernière rencontre qui fêtait pratiquement notre accession au titre de bachelier et la fin de l'époque lycéenne.

Elle était toujours aussi belle avec dix ans de plus, elle n'avait pas changé.

Je l'ai regardé et me suis dit : « C'est fou quand même, toi, tu es sorti avec elle ».

 

C'est un peu comme ça que je dois le raconter alors qu'en fait, c'est elle qui était sortie avec moi.

Le souvenir a cela de beau qu'il se modèle avec les années de façon trompeuse. Non, pas trompeuse, flatteuse.

 

…

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Commentaires
S
(Ce titre énigmatique est un langage secret)<br /> <br /> En tout cas, il est beau, ce billet !<br /> <br /> Je ne sais pourquoi, les lèvres que l'on a embrassées, nos lèvres retrouvent toujours le chemin qui mène à elles. <br /> <br /> De la joue on se la joue désinvolte mais quand on frôle la bouche, les parfums nous reviennent.<br /> <br /> D'avoir eu du goût. Ce goût...<br /> <br /> Enfin, pour moi, c'est comme ça.<br /> <br />
A
Me rappelle quelque chose...
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