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Le Bar Nabé
15 septembre 2004

Dix sections

 

Entre un reportage et un article, je suis hypnotisé par les cires anatomiques, reconstitutions, dissection et autres moulages du Musée Delmas-Orfila-Rouvière.

Pour mon propre équilibre, je ne suis pas vraiment tenté par l'expérience d'une visite et pour traverser galeries de bocaux remplis de viscères, de fœtus à différents mois de croissance, cires anatomiques plus vraies que nature, divers crânes et échantillons humains.

Pourtant, ce musée est formidablement intéressant et instructif. Il n'est pas classé au patrimoine National pour rien et devrait continuer à se faire protéger financièrement et culturellement.

Il y a apparemment des préparations dont l'intérêt scientifique est douteux et tend vers du sensationnalisme un peu trop poussé. C'est à voir, en fonction de sa propre sensibilité, on ne peut sortir indifférent d'une telle visite dans l'intérieur du corps humain, avec de nombreux exemples de monstruosités car l'Homme n'est pas épargné par des ratés de conception.

Les corps donnés à la Science ou que la Science a prélevé comme une grande ont été disséqués sous les moindres coutures.

 

J'ai préféré m'arrêter à cette visite du petit muséum d'histoires naturelles de La Rochelle. Je ne sais même pas s'il existe encore, perdu qu'il était dans la vieille ville au travers des ruelles étroites. Je ne sais même plus comment nous nous étions retrouvé là et pourquoi nous avions décidé, deux jeunes de 18 ans tout justes Auguste, de rentrer dans ce musée un après-midi d'été.

Il n'y avait personne d'autres que nous, vacanciers en shorts, qui traversions les petites allées du musée. Je ne me rappelle plus des animaux empaillés, des squelettes d'anatomie comparée, mais je revois très bien ce petit couloir en cul de sac assez sombre dans lequel étaient disposés des bocaux de fœtus humains et autres éléments, à première vue, constitutifs d'un corps humain.

Le formol était devenu flou avec les années.

Ces images ne se sont détachés que difficilement. Assez curieusement.

 

M'être fait charcuter à vif au mollet et au genou par des dizaines de points de sutures ne m'avait pas fait le même effet.

 

Quelques années plus tard, par obligation d'études, je me voyais faire de la dissection et de la vivisection sur grenouilles et rats. Pour autant que ces expériences n'étaient pas nécessaires pour ce que je suis devenu, elles m'ont apporté une culture générale non négligeable sur le sujet.

La visualisation du réseau de circulation sanguine teintée en jaune poussin de la grenouille et les histoires rénales et cardiaques d'un gentil rat au préalablement endormi sont instructives.

Mais je ressentais toujours mon opposition à donner la mort à un quelconque animal. Sauf les moustiques et les araignées bien entendu.

 

Alors que mon voisin de table s'agitait franchement à l'intérieur de l'animal pour dégager tout ce qui le gênait (un garçon boucher sans doute), je m'époumonais à faire du massage cardiaque et du bouche à bouche (avec un cathéter, c'est que le rat a une petite gueule) pour faire vivre l'animal quelques minutes de plus.

Il nous fallait ces minutes pour terminer l'expérience. Le rat dormait du sommeil du juste et de celui qui ne se réveillera pas.

 

Psychologiquement, c'est le premier coup de scalpel qui est difficile, les dix premières minutes aussi avec les pinces pour dégager les chairs puis organes qui ne sont pas au sujet du jour.

Après, la concentration aidant, nous faisions abstraction de la réalité de l'animal et nous travaillions. Simplement, radicalement.

C'est étrange de se voir, lors d'une prise de conscience, en train de fourrager dans un rat tout en n'y pensant plus. Difficile à expliquer. J'avais pris du recul.

 

C'est sans doute ce recul qui aide les professionnels de la santé à accepter leur travail.

Bien entendu, mes petites expériences sont sans commune mesure comparables.

 

Depuis ces histoires, j'ai toujours relâché les poissons que je pêchais quelquefois, au grand dam de mes amis de canne qui ne comprenait pas. Puis, j'ai arrêté de pécher tout court devant l'inutilité de son plaisir personnel face à la vie d'un quelconque poisson.

Pourtant, je suis admiratif face aux travaux d'orfèvre du Musée Orfila. C'est de la culture générale.

Amener aujourd'hui un collégien ou un lycéen face à une cire anatomique paraissant presque vivante permettrait une prise de conscience de sa propre fragilité.

A moins que cela ne fasse naître des idées bizarres.

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Commentaires
2
C'est sûrement important et intéressant, mais j'aurais pas dû lire cette note en rentrant de déjeuner. L'après dissection de la pizza se passe mal.<br /> Je me souviens de la dissection d'un oeil de boeuf. En voulant y planter d'un geste un peu trop sec la pointe du scalpel, moi et mon collègue biologiste fou, on avait juste réussi à propulser l'oeil entre le T-Shirt et le dos de la fille qui était devant nous.<br /> Sensation et résultat garanti...<br /> Et dire que je suis myope !
J
voilà un sujet que je trouve fort intéressant Barnabé. Entre la répulsion, et le besoin de savoir. Finalement affronter ce qui est 'affreux', l'angoisse de la morbidité, pour n'en devenir que plus humain, au sens humaniste cette fois.... Au plaisir de te relire...
S
BRRR... (je le répète plus fort)
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