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Le Bar Nabé
15 juin 2005

Petite histoire à travers la grande

Le docu-fiction sur l’épisode de l’attentat du Petit Clamart m’a fait appelé mon père pour quelques éclaircissements et un avis plus ‘vivant’ que celui du simple spectateur que j’étais. 

L’indépendance de l’Algérie aura fait couler beaucoup d’encre et de sang. L’affranchissement de la politique coloniale française dure pourtant encore en attendant l’oubli ou une autre considération des évènements. 

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De Gaulle sera donc cet homme qui rassemble et partage, qui divise aussi. De ce personnage appartenant complètement à l’Histoire, il y aurait tant à dire, à se réjouir ou à critiquer.
D’une France défaite, il a été élevé au rang de symbole et est principalement présenté comme le sauveur. 

Sans souhaiter faire passer un quelconque message, je n’en ai absolument pas la prétention, je vais vous conter une histoire (Histoire ?) marquée d’avis propres. Ce ne sont les miens que par procuration même si je me juge incapable d’être objectif. 

1958, René Coty est président, De Gaulle est président du Conseil (équivalent à notre Premier Ministre actuel) sous le Régime de la IV ème République et charge Michel Debré de rédiger la nouvelle Constitution (V ème République).

Par référendum, la constitution est adoptée le 28 septembre. S’en suivent des élections et De gaulle est élu le 21 décembre à la majorité absolue (77.5 % des voix) pour la première fois en France.

 

13Il est écrit dans les livres que le grand Charles a réussi à mener à bien la décolonisation française (début des années 1960), qu’il instaure ce système de coopération dont on entend résonner aujourd’hui encore les conséquences (positives et négatives), qu’il mène l’Algérie aux accords d’Evian en 1962 malgré les oppositions (militaires, français d’Algérie…). 

Dans les oppositions les plus vindicatives, il y a bien sûr l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète) dirigé par le Général Salan qui organisera des attentats en France et en Algérie contre les hommes politiques (dont De Gaulle), contre les hommes publics qui prônent l’Algérie libre, ainsi que contre la population par des actions aveugles ayant pour but d’installer la terreur et de ramener plus d’hommes à sa cause. 

Pour comprendre les raisons d’une telle haine envers ceux qui s’opposent à l’Algérie française, il faut revenir à l’élection de 1958 lorsque le Général De Gaulle construisait son programme électoral sur la conservation des colonies et particulièrement de l’Algérie. De Gaulle savait que, sans défendre à mots cachés le maintien d’une Algérie française, il n’aurait pas été élu. Peut-être les première manipulations électorales de la V ème République.
Les français conservaient une chose que le président savait déjà perdue. 

Le pouvoir militaire français s’est construit à la sortie de la seconde guerre mondiale et conserve alors nombres d’influences.
Avec l’épisode de l’Indochine en mémoire, l’armée et plusieurs hauts gradés se sont sentis trahis lorsque De Gaulle a commencé le mouvement de décolonisation.
Pendant que De Gaulle construisait politiquement le transfert d’une colonie en pays autonome, il n’empêchait pas pour autant la guerre d’Algérie de s’enliser et de faire partir les appelés au combat. 

Les pieds-noirs, face à cette situation, réagissaient aussi négativement et naturellement aux modifications politiques qui s’amorçaient et qui entraîneraient pour eux, soit le départ, soit la ‘soumission’ au droit de parole des algériens dans leurs pays, chose impensable alors.
1961, putsch avorté en Algérie, prise de contrôle ratée par les militaires, le Général Salan entre dans la clandestinité et crée donc l’OAS avec son lot d’attentats. 

Avril 1962, Alger, Salan est arrêté.
Il sera gracié quelques années plus tard avec tous les autres intervenants de la sombre période (sauf l’organisateur du Petit Clamart).
 

Georges Bidault, ancien professeur d’Histoire, qui avait succédé à Jean moulin à la tête du Conseil National de la Résistance (gouvernement provisoire de la République) à la fin de la guerre 39-45, reprend le flambeau de l’OAS et souhaite, par analogie, en faire un Conseil de la Résistance Bis.
Résistance contre De Gaulle et la décolonisation. Il veut donner alors au mouvement armé une légitimité par une existence politique. Il y a encore des actes meurtriers car, de l’ancien OAS, persistent des éléments incontrôlables.
Georges Bidault est montré comme réactionnaire et considérant la colonisation comme légitime : la France a apporté et apporte tellement aux pays colonisés qu’en retour, il est normal de …

 

 

Mon grand-père paternel connaissait Bidault depuis l’entre deux guerres.
Pépé était journaliste à « L’Aube », journal démocrate chrétien. Bidault était l’éditorialiste.
(Le journal se saborde en 1940 pour ne pas laisser l’occupant profiter des outils de presse.
Il reprend en 1944 jusque dans le début des années 50). 

En 1936, à la demande de Pépé, Bidault devient le parrain de Marie-Claire, sa fille, la sœur unique de mon père, ma marraine.
D’autres collègues, amis de Pépé deviennent les parrains des autres enfants.111

Pendant la guerre 39-45, il y eu la Résistance, les réunions secrètes, l’organisation d’une d’entre elles dans ma ville de naissance et sur le mur d’une maison, une plaque commémorative mêlent le nom de pépé et celui de Jean Moulin.
Mais rien ne transpirait, rien ne fut expliqué, raconté.
Ces histoires replongeaient avec leurs discrétions et leur pudeur dès les armes abaissées.
Mon grand-père ne dit rien. Ses enfants ne savent rien ou presque. 

Le temps a passé.
Mon père est parti faire cette guerre d’Algérie (1954-1962) comme trop de bidasses avant et après lui. 

Comme avec tous les sujets qui pouvaient entraîner une discussion et des désaccords, Pépé répondait à ses enfants : « Non, pas la peine de continuer, vous ne connaissez pas tous les éléments. »
Et le dialogue cessait immédiatement, renforcé par l’autorité naturelle du patriarche.
Mon père n’a donc jamais trop connu les avis de mon grand-père. 

Cependant, Pépé soutenait oralement Bidault mais rien dans les faits ne l’avait fait intervenir depuis bien longtemps.
J’imagine donc qu’il jugeait aussi, comme une majorité de français que l’Algérie française était un statut logique. 

Il y a la forme, il y a le fond. Tout se défend avec honnêteté et morale.
Tout est différent et parait normal selon le point de vue, l’angle de visée. 

Individuellement, je ne peux juger tant que je ne pourrai être sûr d’un choix. Du mien.
Impossible. 

Je peux comprendre que la guerre d’Algérie soit une nouvelle fois l’expression de la bêtise humaine dans les yeux de mon père comme je peux accepter certaines impressions d’un aïeul dont j’ai un profond respect.
Je ne peux m’empêcher de penser à mon grand-père, à sa détermination il y a plus de 60 ans, un courage fou.

J’aurai aimer discuter de cela avec lui comme j’essaye de le faire avec mon père dès que l’occasion se présente.
Il parait qu’il était plus abordable lorsqu’on était petit enfant que simple fils. Il me tenait sur ses genoux dans son bureau aux murs recouverts de bibliothèques à double épaisseur.
Mon père aurait du me souffler des questions pour son père, je les aurai posées en toute innocence enfantine et aurais répéter les réponses tant attendues.
Peut-être que Pépé aurait trouvé cela bizarre qu’un enfant de dix ans s’attarde sur la guerre ou la politique.
C’est sûr.
Je lui aurais souri, il aurait compris depuis longtemps et je suis persuadé qu’il m’aurait raconté des tas d’histoires, des aventures, des complots, des batailles…

 

La Résistance ou la collaboration, l’Algérie française ou non, la colonisation ou la coopération tronquée, l’Europe de la Constitution ou non, les choix se font et se défont. Âmes et consciences.
Nous décidons un jour. Nous nous trompons le lendemain. 

L’Histoire avance et force son chemin à travers les hommes.

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Commentaires
M
Bonjour,<br /> <br /> <br /> <br /> L’intérêt que vous manifestez pour le Conseil National de la Résistance<br /> <br /> nous conduit à vous signaler le blog :<br /> <br /> http://unmotdejeanmoulin.hautetfort.com<br /> <br /> <br /> <br /> Il vous donnera l’élément historique essentiel et plutôt stupéfiant qui est <br /> <br /> au cœur de l’ouvrage que nous avons publié en 1995 sur les raisons<br /> <br /> profondes de l’élimination physique de Jean Moulin en 1943.<br /> <br /> <br /> <br /> Très cordialement,<br /> <br /> <br /> <br /> Michel J. Cuny - Françoise Petitdemange
L
Malgré les "clichés" que l'on épouse par convictions, au-delà du bien et du mal, des jugements un peu hâtifs, le recul de l'histoire apprend surtout l'humilité pour l'individu. Quand à celle que l'on vit difficile de s'en rendre conte... :-)
S
Avec du recul, ce doit être plus facile de parler du passé. Mon père ne parlait jamais de la guerre d’Algérie lorsque j’étais enfant ; il ne l’évoque pas souvent aujourd’hui non plus, mais en parle plus volontiers si le sujet vient sur le tapis. Combien je regrette que mon grand-père ne soit pas revenu des camps de concentration, j’en aurais eu, des tas de questions à lui poser sur son passé de résistant et sa vie là-bas…
A
Ah ? Pour moi un De Gaulle c'est un tire-bouchon (celui qui lève ses deux bras en l'air). Peux pas m'empêcher d'ouvrir une bouteille avec ça en disant "je vous ai compris"... :-D
L
dans les soirées quelque peu festives et lorsqu'arrive l'heure du digestif, je demande toujours un 'De Gaulle' ?<br /> En général, ça produit un petit effet (étonnant de ma part non ?) et après l'écarquillage d'yeux, je précise que s'ils n'en ont pas, je me contenterai de n'importe quel autre vieillard maniaque...<br /> :p
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