Tueurs nés
Carlos Ghosn est formidable. Il a réussi à embobiner tout
Renault, syndicats compris, ce qui n’est pas une mince affaire. Bien entendu,
il aura suffisamment négocier avec le gouvernement et les gens influents pour
faire de sa déclaration d’hier l’exemple remarquable de la France volontaire et
positive.
En 2009, l’entreprise française sera « le constructeur
généraliste européen le plus rentable en Europe ».
Donc, 26 nouveaux
modèles vont venir faire grossir les rangs des parkings et les usines vont
travailler à plein régime.
Augmentation de l’utilisation
de la capacité des unités de production et refonte totale des procédures de
fonctionnement vers un contrôle des coûts drastique (-14% auprès des
fournisseurs).
La rentabilité va devenir une réalité, il parle de marge opérationnelle,
donc baisse des coûts de production, de distribution sur l’image de Nissan et perfectionner
les modèles de vente.
Que c’est beau !
Si la réussite n’est pas au rendez-vous de ses ambitions,
certains sites vont pleurer et lui ira faire le cost-killer dans d’autres sociétés. Il a déjà « sauvé »
Nissan en usant du levier économique ‘ressources humaines’.
Professionnellement, j’ai déjà eu l’occasion de travailler pour
un sous-traitant automobile de second ou troisième rang (selon les
constructeurs). Le terme ‘cost-killer’
revient à mes oreilles comme une insulte à la profession qui est la mienne,
dans laquelle, on oublie trop souvent que la mise en place d’un partenariat rentable
entre client et fournisseur est la seule solution à moyen et long terme par
rapport aux actions ‘spots’ agressives et à la santé générale d’un secteur d’activité.
La pression des coûts est telle dans l’industrie automobile que
tous les ‘petits sous traitants’ doivent, soit se faire racheter avec perte et
fracas par un plus gros (qui a dit Valéo ?), soit crever sans bruit en
attendant qu’un autre petit se fasse traire jusqu’au bout du pis.
Donc, la politique de M. Ghosn, si elle est formidablement
communicante et démagogique pour réveiller ses usines, va conduire à la perte
de centaines d’entreprises qui travaillent tant bien que mal avec le géant
constructeur. Le journaliste n’en parle pas, il avait des étoiles dans les yeux
en écoutant M. Ghosn.
La rentabilité de Renault va se calculer aux nombres d’emplois
qu’il aura supprimé indirectement chez ses fournisseurs, mais cela, M. Ghosn n’en
tient pas compte.
Je connais parfaitement cette approche réductrice de coûts,
elle n’a plus rien d’humain et réduire de 14% les coûts fournisseurs (ce qui ne
veut rien dire d’ailleurs) est inquiétant. Il faut se méfier de ces messieurs
polytechniciens comme M. Ghosn, ils ont appris à énoncer le discours que veulent
entendre ses employés et la France entière avec, juste pour y croire.
Il sait aller sur le terrain, rodé aux systèmes de paluchage de
mains de petits gens, et a imposé son style.
Alors messieurs les syndicats, vous qui venez de vous faire
acheter, restez attentifs. Vous avez avalisez le fait que M. Ghosn va vous en
demander trois fois plus pour la gloire de votre entreprise qui sera
susceptible de vous licencier demain.
Il ne s’agit que d’un « coup », nous en reparlerons
dans trois ans. Quelle naïveté.
Alors, le discours de M. Ghosn vaut-il mieux que de laisser Renault
aller directement au plan social ?
J’ai déjà entendu cela quelque part. Il faut externaliser
certaines usines en Roumanie sinon, la société va déposer le bilan. Alors que
faire ?
C’est la démarche en vogue actuellement : virer 200 plutôt
que 1000, merci monsieur le patron.
L’industrie française est en pleine mutation. Je crois qu’il va falloir l’accepter. The show must go on, l’entreprise avant tout. Il suffit de le dire avec le sourire.
Peut-être me trompe-je.