Kronique N°23 - L'impensable
Le plus doué footballeur de ces quinze dernières années fête son
anniversaire aujourd’hui. Il a 34 ans et ne jouera peut-être plus un seul match
professionnel.
L’équipe doit gagner pour lui, pour Cissé et sa jambe de bois, pour
donner tort à tous ses détracteurs, et doit vaincre pour ne pas être ridicule
et laisser aller une génération sans le sentiment du devoir accompli.
Dans seize jours au plus tard, tout sera différent. L’équipe de
France n’aura plus ce statut d’entre deux chaises avec la nostalgie d’une
époque dorée et le retour à la banalité.
L’équipe de France, et cela depuis toujours (autant que je m’en souvienne), n’aime pas jouer
contre la Suisse, la Corée, le Togo, le Mexique, la Croatie, l’Australie et
toutes ces équipes dites de deuxième catégorie, voire de troisième.
L’équipe de France aime jouer contre les monstres contre lesquels
elle n’est pas favorite. Imaginons la suite avec un 1/8ème contre l’Espagne,
un ¼ contre le Brésil, une ½ contre les Pays-Bas ou l’Angleterre et une finale
contre l’Allemagne.
Ou, 1/8ème contre l’Ukraine, un ¼ contre l’Italie,
une ½ contre l’Allemagne et une finale contre le Brésil.
Ça, ça a de la gueule. Ça ressemble à des chocs dont on se
souvient trente après, ça ressemble à un chemin sur lequel les héros se forgent
une autre légende, ça ressemble à une épopée, qui même interrompue par un
combat acharné, se grave dans le marbre de l’Histoire de la Coupe du Monde.
Ça, ça fait rêver et on pardonne plus aisément la défaite avec
les honneurs.
Mais le Togo, je n’ai rien contre les Togolais, ils vont jouer
sans peur et sans reproche le coup à fond les balloches. C’est bien normal.
Mais le Togo, je sais bien qu’il n’y a plus de petites équipes, d’ailleurs, l’Australie
est qualifiée, le Ghana peut avoir de bons espoirs. Je respecte profondément le
Togo, la question n’est pas là. Un match n’est jamais joué d’avance. Il est le passage
obligé pour la revanche de 2002.
Quelle revanche d’ailleurs ?
En 2002, il s’agissait du Danemark qui jouait pour sa
qualification. En 2006, il s’agit du Togo, déjà éliminé.
Viera dit qu’une élimination cette année serait pire que la précédente. Il a
raison.
Il est impensable d’imaginer l’élimination. Je ne sais même pas
pourquoi il en est question d’ailleurs. Pourquoi en parle t’on ?
Je commencerai le match avec en tête l’idée qu’il ne peut en être autrement. Et le temps s’arrêtera.
Et pendant que le temps sera arrêté, TF1 aura allumé tous les cierges possibles de Notre-Dame et priera de toutes ses forces. Mais c’est un autre sujet.