Kronique N°41 – Le jour d'avant
Zidaniho
Il dit qu’il doit tout à l’équipe de France. L’inverse est
aussi vrai.
Epatant la galerie de deux buts lors de son premier match en
bleu voilà plus de dix ans, il sauvait déjà le pays d’une défaite contre la République Tchèque.
L’observant par intermittence à Cannes puis à Bordeaux, il traverse l’Euro 96
sans trop marquer son premier défi.
En fait, tout était déjà prêt pour la transition printemps - été
98. Aimé Jacquet l’aura observé tout de suite et l’a fait résonner à l’unisson dans
une équipe en inavouable quête du Graal.
Ce fut donc des gestes qui n’appartiennent qu’à lui, deux buts
improbables en finale contre le Brésil, de la tête, alors même qu’Aimé l’avait prédis.
Ce fut en club, du plaisir pour la Juventus, le Real, un but
extraordinaire en finale de la ligue des Champions contre Leverkusen. Toujours
des gestes techniques impossibles et on se demande quelle potion magique
remplissait son berceau.
La chute nationale en 2002 (alors qu’il s’était blessé et avait
peu participé, comme pour faire comprendre que ces défaites ne furent pas
siennes), puis en 2004 (alors qu’il était un des seuls à survoler les débats). Un
joueur ne fait pas une équipe.
Et puis il y a l’homme, irréprochable, presque trop lisse.
Quelques sursauts d’orgueil ou de nervosité comme un saoudien paillasson ou
quelques coups de tête le rendent normal.
Il annonce sa retraite voilà quelques mois pour mieux profiter
des derniers matchs et de son dernier pari.
En avril, ce n’étaient que des espoirs mais il sait que seule
la victoire est belle et que les temps ont changé.
Il est encore le meilleur joueur du Monde à 34 ans comme d’autres
l’ont été avant lui.
Un dernier match, en finale de Coupe du Monde c’est un
incroyable destin non ?
Je discutais il y a peu de cela. Comme si tout était écrit à l’avance.
Comme si finalement l’évidence de la difficulté des matchs de poules, la renaissance
espagnole, le sommet brésilien et l’arrachée portugaise étaient des étapes
nécessaires vers l’Olympe.
La saga zidanienne de 2006 ne doit rien à personne, ni à l’arbitrage,
ni à la chance.
Alors il reste un match qui sera une fête, quoi qu’il arrive
parce que Zidane sera l’homme de plus grand de la soirée. Il reste un soupçon d’apothéose
possible pour que Zidaniho aille soulever sa deuxième coupe du Monde, en tant
que capitaine. Ce serait beau non ? Comme une évidence.
Et je sais que le match devra être insupportable, que tous
devront se surpasser parce qu’on a jamais rien sans rien et qu’un destin se
mérite aussi.
Jusqu’à cet été et malgré l’historique déjà lourd de la
génération Zidane, j’avais toujours la préférence de souvenir d’enfance et d’adolescence
pour la bande à Platini. Je dois bien avouer que la balance bascule cette
année.
Il fallait bien avant un Platini pour nous permettre d’accéder
à Zidane. Sorte de filiation du football champagne au jeu moderne.
Et il me reste cette remarque d’Arsène Wenger, je crois, après France
– Portugal qui disait simplement en parlant de ces onze conquérants de 2006 que
cette équipe là n’aurait pas perdu à Séville en 82.
Le déclic s’est effectué dans ma petite tête, le traumatisme de
mes onze ans vient de s’effacer en une seconde. Le hasard a voulu que ce soit
cette année, en Allemagne, et même si des retrouvailles avec nos voisins
teutons en finale auraient pu être teintées de souvenirs, il est bon de tourner
une page.
Plus qu’un match, un seul.