Oléron dans l'eau (2)
La température se rapproche désormais plus de 30 que de 40°. Celle
de l’eau augmente.
Le rythme est pris, deux allers-retours vers la plage par jour,
la marmaille est ravie et nous ne nous en plaignons pas. Rien d’autre à devoir faire.
Il n’y a pas encore trop de monde sauf dans l’axe des
supermarchés à St Pierre et Dolus. Une fois par semaine et la corvée est
effectuée.
Comme il y a vingt ans, je m’instaure ces vacances de
juilletistes avec un débordement sur août pour éviter la transhumance de l’entre
deux mois. Beaucoup de locations et de maisons sont encore vides, les emplacements
de camping sont libres.
Derrière notre terrain, il y a toujours ce petit chemin qui
traverse la forêt de pin et de chênes. Je ne me souviens plus exactement où il
ressort. Il y a non loin la dalle de béton qui accueillait la caravane de
Vanessa et de ses grands parents. Si je continue sur l’allée centrale
cailloutée empruntée uniquement par les quelques résidents, je devrais tomber
sur le terrain des parents de Marie.
Plus haut maintenant, en direction de la plage, je ne me
rappelle plus comment s’appelait la belle blonde dont il nous aura fallu bien
des efforts pour réussir à jouer au tap-tap avec (comprendre tennis avec raquettes
de bois et balle en caoutchouc).
A deux terrains du notre, j’ai connu Fred un été de juillet et
le hasard aura voulu que nous habitions dans le 9-3 à quelques kilomètres, de
quoi se revoir depuis vingt ans.
Si j’avais écris alors comme mes notes d’aujourd’hui, je ne
serais pas en train de chercher mes souvenirs au travers d’un chemin. Pourtant,
j’aimais déjà l’écriture au point de faire de mes cartes postales des romans. Il
y avait cette soirée à l’aube de nos dix huit ans fêtés une semaine avant le départ
pour l’île. Quelle idée avions-nous eu, avec mon poteau de vacances (mes
parents acceptaient d’animer une mini colonie de vacances avec mes amis) de
sortir avec des filles juste avant !
Sur ce grand terrain encore abrité des pins dont il ne reste
plus actuellement que des souches dont nous avons fait le tour hier soir avec
fiston, nous plantions nos tentes sur les hauteurs, suffisamment loin des parents.
Les soirées étaient longues et nous avions ce sentiment légitime de fausse
indépendance.
Pendant quelques heures, aux lueurs de lampes à gaz et sur le
rythme des claps aux moustiques, nous avons écris ces deux lettres bien étranges
pour ces filles qui ne sont plus que des mirages à nos horizons.
Nous nous relisions plusieurs fois, mutuellement, nous
tournions les phrases, nous jouions de jeux de mots que nous serions capables
de ressortir pourtant à trente-cinq ans. Nous misions sur une forme légère et
quelques mots plus forts puisque après une seule semaine d’amourette, nous
étions dans cette position particulière de ne pas savoir comment nous allions nous
retrouver après nos vacances respectives, déjà séparatrices.
Il y a bien dû y avoir trois ou quatre pages chacun, des ratures de mots choisis. Dans quelle
boite à chaussures ou quelle poubelle sont passées ces morceaux de nous.
Ce concours de circonstances nous a sans doute fait passer
quatre semaines assez extraordinaires avec une joie de retour qui ne gâchait rien.
Sorte de libération de pensées.
Je me demande ce que sont devenues Marie et Vanessa. Je ne les reconnaîtrai même plus cet été. Je les ai peut-être déjà croisées sur la plage à quelques parasols d’écart et, plusieurs marmots à surveiller attentivement.
J’ai failli croiser Fred cette année, il sera d’août. J'écoute Get Nervous de Bénatar, je n'oublie pas que c'est (c'était) aussi ça.