Oléron dans l'eau (7)
Il y a des moments complètements décalés dont on aimerait
prolonger les instants.
Hier soir, dans le petit bois de pins et de chênes résonnait
des airs de saxophone. Il ne s’agissait pas d’un camion coloré annonçant les
horaires du prochain cirque, un fond de boite à rythme ou des chants d’heureux
gens comme cela arrive. Juste des airs de saxo qui se succédaient à espaces
irréguliers, des essais de notes, des morceaux sans rien d’autre.
Le seul instrument, dans le silence du soir qui tombe, me
renvoie au milieu de nulle part, avec juste ces airs qui filaient, presque
langoureusement, simplement.
Je restais sans rien faire.
Ce soir, les traînes d’orages qui se sont succédées
assourdissent les sons. Le vent dans les branches est frais et fait oublier les
autres fins de journées trop chaudes.
Avant, le tonnerre résonnait au large et aussi derrière nous.
Etait-ce sur le continent ou sur la côte est de l’île.
La plage était désertée, la marée presque haute et recouvrant
les rochers. Quelques gouttes drues tombaient de temps à autres comme si elles
ne savaient si c’était le bon moment pour tomber toutes au même moment.
Nous nous promenions nécessairement avec rien d’autre autour
qu’un ciel ombrageux. Quelques photos rares du sable vide et froid. Des éclairs
devant, à gauche nous indiquent la direction à suivre. Nous subissons l’averse.
Bien sûr.
Un nuit de juillet, avant des vacances mémorables en Espagne.
J’étais plus jeune et finalement peu éloigné de cet être qui recherche les
pauses sur une note, un paysage, un fait particulier ou commun. C’était sur une
terrasse de Montfermeil, face aux barres, et le monde festif rentré dans
l’appartement se demandait pourquoi je restais à part, allongé sur cette chaise
longue avec un pull pour supporter le frais sans trop frissonner. Comment
l’expliquer après tout.
Une soirée de fête, plusieurs années avant, aussi. Cette
chanson qui tombait au bon moment de pensées, cette position verticale face à
la scène, encore, presque statique alors tout bougeait autour. J’étais parti dans
mes propres notes.
D’autre fois, alcool aidant, dans une mystique liturgie
intérieure, je devenais imperméable.
Tout cela si souvent mal interprété, par besoin
d’interprétation justement.
Rarement, il y eu des partages sur ces faux évènements qui ne se
comprennent peut-être que par l’égoïsme de la minute volée au reste de la
planète.
Tous ces gens qui courent pour ne pas perdre de temps et moi
qui le laisse s’écouler à foison par moment.
Cette fois-ci, il y a vingt ans.
Un autre soir sur la plage, à cinq minutes d’ici, à peine une
ou deux heures après l’agitation diurne. Il y avait ce soleil qui se couchait
comme sur une carte postale et le silence attendu. Assis sur le sable tiède,
les lueurs devenaient pâles et l’astre pouvait enfin s’admirer en face.