La vie à modeler
Note pondue on ne sait comment, donc forcément nécessaire
pour son propre soi.
Je ne sais si elle s’adresse plus à l’auteur qu’aux
lecteurs courageux.
Peut-on toujours avoir la légitimité d’un avis ?
Des avis propres, il est facile d’en avoir. Un avis sur
tout, à tort et de travers.
On se forge des avis en fonction des médias, de sa propre
expérience, de son milieu. Que du déjà dit tout ça.
Suis-je légitime pour débattre avec un Besancenot ou
une Arlette ?
Quel droit me donne le fait que je sois issu de la classe
sociale de parents partis de rien (dont 50% d’immigration italienne) et arrivés
quelque part au bout d’efforts et de la chance que de jeunes couples pouvaient
avoir dans les années 50, 60 pour construire une famille ?
Nous pensons aux années 60 comme la chance qu’avait nos
parents pour trouver un emploi. Mais, ce n’était sans doute pas plus facile
qu’aujourd’hui.
Si mes parents m’ont inculqué la valeur de l’argent, le jamais rien sans rien, j’avoue n’avoir
jamais manqué de rien pour me construire.
Ce pour autant, j’ai un travail alimentaire, un bon travail
dans un contexte social actuel qui permet de relativiser sa qualité et sa
rémunération.
Mais ce n’est qu’un travail alimentaire et chronophage qui
a le mérite d’exister, qui me donne le droit de dire que je l’ai mérité. Est-ce
un mérite ? De la chance ? La logique d’un investissement
personnel ?
Pourquoi ne fais-je pas l’une de ces activités
professionnelles qui me passionneraient ?
50% de service trop minimum de ma part, 20% d’immaturité et
30% de cette absence de conseils de part l’université, le lycée, l’Etat, les
Sociétés. Faut-il avoir 35 ans pour faire ce bilan ?
Ma part de responsabilité est largement engagée et je
l’assume (avec peine certaines fois).
J’ai l’impression de savoir ce qu’un vingtenaire
d’aujourd’hui doit se dire.
J’espère simplement qu’il ne pense pas que tout lui est dû
car le système scolaire et le monde du travail n’étant absolument pas
interconnectés, il lui faudra effectuer, aux forceps, la transition.
Mon tort est donc, parce que je l’ai subi personnellement,
de penser que cette situation difficile est normale et est une sorte de
bizutage professionnel.
Oui mon d’jeun, avant d’avoir une situation qui te
satisfasse un minimum, il te faudra peut-être faire les marchés, le caissier,
subir, avant de ressentir cette fierté particulière : je m’en suis sorti
(enfin, jusque là tout va mieux qu’avant).
Je crains de penser qu’en vingt ans, tout s’est dégradé,
que d’un côté, personne n’aide les plus en difficultés et que de l’autre,
l’assistanat permanent donne de fausses espérances.
Pourquoi ai-je ce drôle de goût social qui me fait croire
que les jeunes d’aujourd’hui font moins d’efforts que ceux d’avant ?
Est-ce un moyen de s’auto-valoriser ?
La difficulté du bac, il parait qu’il serait plus facile –
accessible – plus les années passent.
Le bac pour tous, quelle idiotie politique, démagogique.
Ou bien plutôt, le regard de la société envers ceux qui
n’ont pas le bac est la réelle idiotie.
Alors que ce sont eux qui font vivre les autres.
Que connais-je d’abord de ceux qui restent sur le
côté ?
Ceux qui ne sont pas accompagnés par l’école et encore
moins par leurs parents ?
Quelques amis, et après ?
Et ensuite, socialement, qu’ai-je le droit de dire sur les
sans-papiers, les SDF ? Moi qui suis confortablement installé devant un
portable en train d’écrire cela, dans une maison plus vaste que celle dans
laquelle j’ai grandi ?
Ai-je le droit de dire : mais non, il ne faut pas
faire de vagues de régularisation des sans-papiers.
Suis-je légitime pour refuser la proposition d’un SMIC
revalorisé de 300€ ?
En quoi cela me concerne ?
Est-ce que l’équilibre des déséquilibres des salaires est
une raison valable pour quelqu’un qui a la chance de payer des impôts sur le
revenu ? Il est sûr qu’il vaut mieux en payer que le contraire.
Si je dis ce que je pense, j’ai avis. Qui vaut ce qu’il
vaut mais un avis. Forcément contradictoire avec les avis de tout un chacun.
Ma conduite est-elle normale, bonne ?
Lors d’un récent déjeuner, je rentrais dans le tas avec mon
avis pro-européen, donc opposé à ceux qui ont dit non au référendum. J’avais
une idée de l’avenir économique à long terme, qui passe, en ce qui me concerne
par une Europe résistante et forte, allant vers une évolution profonde des
réalités françaises.
Par exemple, nous serons à terme dépassés (c’est déjà le
cas) pour les industries lourdes par l’Asie tandis que le niveau national
global nous permet de nous placer dans les industries de pointe. Pourquoi ne
pas se responsabiliser politiquement et entamer une transition de l’école
primaire aux sociétés ?
Secteurs des sociétés de services, technologies,
agriculture, sortons de réelles forces.
Pourquoi cette impression de pays immobile, cimenté dans un
système lourd.
Ai-je le droit de penser que telles décisions feraient une
casse supplémentaire dans les milieux ouvriers actuels mais qu’il s’agit d’un
moindre mal pour les prochaines générations ?
Mes pensées jouent avec les vies des autres. Je m’exclus
inconsciemment de ce qui peut me toucher demain ou après demain, le chômage, …
Comment pourrai-je défendre ces idées face à ceux qui ont
dit non à l’Europe par crainte, par réflexe de défense face à ce projet si mal
présenté, si mal expliqué.
Dans le mode de réflexion de chacun face aux problèmes sociaux,
pourquoi pense-je que la réalité est : j’ai une meilleure situation que
mon voisin, donc je suis plus intelligent et mes idées sont celles à retenir.
Un ouvrier a-t-il des idées moins nobles et moins
visionnaires qu’un cadre sur l’avenir ?
Quelle imbécilité de base.
Oui, imbécilité. Sauf que le monde politique se positionne
comme cela face au peuple (terme usé à en vomir par nos candidats des grands
partis).
Ils sauraient mieux que nous la réalité des besoins.
Finalement, n’est-ce pas cela qu’on leur demande à nos
politicien(e)s ?
Etre au-dessus de nous pour piloter l’avion ? Ils
devraient avoir ces compétences supérieures aux nôtres pour aller dans la bonne
direction.
Ce positionnement n’est-il pas finalement nécessaire ?
Donc, si j’émets un avis sur un sujet qui ne m’implique pas
directement, est-ce juste ou non.
Je n’ai aucune légitimité pour le faire n’étant pas élu.
Pourtant, j’ai cet avis qui me permet de dire, avec torts
et déraisons, toujours, si je suis d’accord ou non sur un sujet. D’accord avec
cette force qui me pousse à penser que j’ai raison, d’accord aussi avec
l’éventualité que je puisse modeler mon avis en fonction des informations que
je reçois, de ma vie.
Je peux ainsi être d’accord le lundi, avouer m’être trompé
le mardi et dire le contraire le mercredi.
Est-ce donc intelligent de donner un avis quand on
considère que cet avis peut évoluer en fonction du milieu, de l’expérience, de
l’âge, des rencontres, des avis des autres ?
Me voilà donc, par essence, illégitime dans mes avis.
Je m’auto-conclus, pour me rassurer : si je donne un
avis, c’est dans cet espoir fou de l’améliorer, quitte à en changer.
Afin d’avoir souvent le moins tort possible, il suffit donc
d’être à l’écoute, le moins obtus, le moins extrême.
Lapalissade.
Donc, une personne ayant la carte d’un parti politique a
automatiquement plus tort qu’un non engagé (et je ne vous raconte pas pour les
partisans extrémistes).
Un non-partisan sera plus ouvert à l’évolution de ses idées
en ne refusant pas les avis des oppositions.
Il faut donc ne pas s’attacher à un seul candidat,
s’orienter vers ce moindre mal, cette imperfection naturelle, cet avis qui se
rapproche le plus de nos propres spécificités.
Sur ce, bien à vous.
Relativisons.