Le quota
A quelques pourcentages près, le patelin est représentatif du
pays, ce n’est pas plus mal. Il a fallu que je vérifie cela, les oreilles
encore engluées des bavassements de notre voisin.
Il y a des vieux comme ça. Déjà à moitié sourd parlant
fort, qui nous rend bien les braillements de nos propres ouailles dès qu’ils
mettent un pied dehors.
Lavant la voiture (me voilà tranquille jusqu’à la fin de l’année),
je profitais des impressions du 70agénaire.
A 8h30 (on lave tôt dans la famille), il en était encore aux
réactions.
Je l’entendais pérorer sur son pouvoir d’achat qui avait
diminué de 20% depuis dix ans (soit, j’imagine, un petit 2% d’inflation par an,
non compensé par sa retraite). Donc, il doit avoir voté à gauche, genre peut-être
extrême (oh, ça va, j’interprète librement si je veux).
A 8h40, radio allumée sur les cris des proSégo, il disait
avec des mots abscons et à sa femme : Tiens,
allez Ségolène, allez Ségolène ! Tu les entends ces cons ?
Je me perdais en attaquant les jantes (c’est chiant les
jantes). Ben alors il est pas à gauche ?!, donc il est rouge vif
électoralement (en plus d’être rougeaud alcoolique).
A 8h42, chaud comme une baraque à frites, il embrayait à
donf pendant que les oisillons du nid de merles piaillaient : Tu les as vu tous ces arabes, ah ils peuvent
être contents !
A 8h43, il devait à moitié s’étouffer derrière la haie en
maugréant : ah quelle sale race…
Il partait alors vers son portail à gratter, d’un juron et
d’un crachat disgracieux.
Je me disais, est-ce possible que j’habite dans un de ces
villages qui vote la bête sans réelle délinquance, sans vraiment d’ « étrangers »,
qui pense, effrayé, qu’en votant le borgne, ils seront toujours protégés d’un
cambriolage et d’une agression verbale au rayon des melons du supermarché ?
Je me rassurais devant la porte de la mairie. Et si ça se trouve, il ne vote pas FN, comme ça, il pense ne pas avoir de sentiment de culpabilité.
Ça va, nous avons notre quota de cons, mais pas plus.
Pas de bol que le quota soit le voisin.