Aire de repos éternel
Un car de pèlerins polonais qui se fout en l’air
sur la route Napoléon, c’est d’un cynisme à placer dans un nouveau tome des Idées Noires de Franquin.
On voit bien que depuis que Jean-Paul II n’est plus
là, c’est le bazar. Rendons-nous compte, des pèlerins qui rentraient chez eux
après avoir fait la tournée des monastères. L’agence de voyage sacrée est
contente, ils n’auront rien à rembourser aux survivants sur la mauvaise
organisation.
Si le chauffeur est également polonais, celui-là
même qui a vu la balancelle en face quand le bus a plongé au détour du virage
dans un jardin, on va dire qu’il était saoul. Même pas je vous dis, juste ne
respectait-il pas la signalisation, juste s’est-il senti porté par des voix
impénétrables qui auraient dû éteindre les freins en feu.
La journaliste polonaise interviewée parle
calmement du haut d’un perron d’église de là-bas d’un miracle. Quoi, un
miracle ? Vingt-six ou plus de morts écrabouillés ou brûlés, il est où le
miracle ?
Ah, parce qu’il y a dans les survivants, les deux
prêtres de la paroisse qui a dû mettre en place le voyage. Il est beau le
miracle. En gros, traduction : pour survivre il fallait avoir encore plus
la foi, fallait pratiquer à donf, fallait être dans les ordres. Sinon, ce n’est
pas suffisant pour être ignifugé.
Le maire désolé qui voit atterrir les bus et
camions dans son village se désole et les services publics sont désignés.
Pourtant, il n’y avait pas eu d’accidents à cet endroit précis depuis une
vingtaine d’années.
Bon, il y a vingt panneaux. Je dis que le gars qui
prend son semi-remorque sur cette descente, il ne faut pas le considérer comme
un imbécile. Il sait lire le gars. Le gars, il pense aussi que ce n’est pas si
terrible et que statistiquement, il a plus de chance de s’en sortir au bout de
douze kilomètres que d’éviter une soufflante par son patron s’il arrive en
retard car il aura pris la déviation.
Le gars en bus, il sait lire aussi. Mais bon.
Voilà.
Les voix du Seigneur sont impénétrables. Pas comme
la petite barrière qui longe la route.
Le gars a qui appartient le terrain au bord de la
rivière, il est énervé également, on lui balance n’importe quoi sur la pelouse
(que si ça se trouve, il venait de tondre).
L’accident agace tout le monde.
Je ne vois pas là une sorte d’inéluctabilité de la
mort mais une conséquence d’une erreur humaine.
La boulette à presque trente morts.
Le ministre veut poser, puisque les contrevenants
ne respectent pas les consignes, un arceau de sécurité pour bloquer les
véhicules trop hauts. Il faut aussi placer deux gendarmes à chaque virage avec
un grand panneau clignotant rappelant qu’il faut utiliser le frein moteur, que
l’excès de freinage est dangereux pour la santé.
Ça m’énerve.
Parce que la fois suivante, ce sera un car de
gosses revenant de colonie de vacances.
Ce n’est pas tant qu’un convoi de pèlerin ne vaut
pas une tripotée de nains mais je me comprends.
Quand même, des pèlerins, Dieu est moqueur.
Sans compter qu’à cause de l’accident, d’autres
autocars vont vouloir faire le même chemin en mémoire des malheureuses
victimes.
Je ne donne même pas l’exemple avec mes petits débordements personnels, mes
« trop plein » de confiance, mon surplus de confiance, mes risques
inconsidérés. Comme si la faute à pas de bol n’était pas suffisante.
Mais là, point de fatalité.
Post-scriptum à nos amis de a DDE : placer une petite
aire de parking en face d’une sortie de virage ! (sans doute pour que le
touriste regarde la rivière et soit aux premières loges pour voir arriver les
bus en ligne droite). Quelque chose me dit que vous êtes joueurs.