La vie des animaux
Les enfants sont toujours formidables. Rien de tel
qu’une petite visite au zoo. Et puis, ça plait également aux grands. Le regard
d’un gorille, même pas dans la brume, a de quoi faire réfléchir plus d’un
humanoïde. Normalement.
Pas forcément créer une once d’intelligence dans
l’œil de ce gamin de huit, neuf ans qui balance, avec l’excitation d’un Rambo
en short, des croutons secs sur la gueule d’un pélican posé à un mètre de lui
sous l’aile émerveilleusement maternelle de ses parents au front bas, mais normalement,
un gorille fait lever les neurones d’un Homo sapiens sapiens.
D’autant, que le petit con reculait de trois cent
pas si le pauvre oiseau tente d’approcher le bec en quête de mie.
Mais les miens, mes enfants aux fronts graciles,
heureux et intelligents, sensibles et honnêtes envers la beauté du Monde
étaient logiquement à s’émerveiller à tous virages fléchés.
Bien entendu, ils n’ont pas fait les adultes en se
faisant lécher par des langues râpeuses de girafes ni en se recouvrant les
doigts de morve d’éléphants. Il est un fait merveilleux que l’éléphant prend
avec sa trompe pour s’engorger la bouche ensuite.
Alors quoi ? Seconde visite après l’an passé
de ce zoo, il était retenu les éléphants (donc), le spectacle des otaries parce
que Charlie Brown (exemplaire âgé de pisciphile adepte de foot et de bière,
j’imagine) rotait dans la figure du dresseur et les tortues géantes.
Enfin, notamment, je vous passe le bestiaire tiré
du livre de chevet de l’aîné.
Bref, nous étions ébahis face aux forces de la Nature, face à la diversité
de l’Evolution, face à la beauté du Monde qui courait, sautait, se perchait,
s’envasait, criait (avec ses variations techniques faisant qu’une hyène ne crie
pas à proprement dit mais hulule ou barrit, je ne suis pas physicien ou bien
j’ai oublié).Aussi rares que peuvent être les hippopotames,
rhinocéros, ours polaires dans leurs environnements en pleine réduction, la vue
d’un troupeau de flamants roses était ravissante. Deux cents pieds palmés (un
peu moins peut-être car beaucoup siestaient sur une seule patte) prolongés de
couleurs vivifiantes nuancées de rose et de rouge. La multitude était épatante.
C’est ainsi qu’arrivant devant la petite clôture,
ma fille dit avec un naturel éblouissant : oh t’as vu, y’a des
cannetons !
Effectivement, parmi deux cents flamants roses, il
y avait une putain de canne avec ses rejetons qui bouffait l’œil des enfants
trop sensibles comme des coucous dans un nid de merles.
Je ne disais rien. Et m’émerveillais devant la
famille canard.
Hélas, Mère Nature est assez susceptible.
Donc, ce fut tout raisonnablement qu’Elle se vengea
avec une autre arme ailée, un petit peu plus tard, par le truchement d’un bec
d’autruche qui pinça la gamine.
Je retenais mon instinct paternel en ne tordant pas
le cou à la méchante plumée, mais en l’insultant allègrement.
Selon la version officielle, ma fille a traversé la
savane et a vaincu courageusement mille animaux sauvages (lions, panthères,
tigres et donc autruches) sans une égratignure (ou presque).
C’est une aventurière des zoos.
Passé cet épisode, il est inutile de dire qu’à la
question posée au grand garçon à la fin de la visite : qu’as-tu préféré au
zoo ? Il répondit : l’enclos des chèvres.
La Nature étant parfois cruelle, nous ne sommes pas repassés devant les bisons. Au cas où.