Part en thèse
Derrière, il y a du Lavoine, devant, une enfant de
bientôt cinq ans joue sur le canapé avec des petits personnages de Winnie. Un
peu plus loin, j’entends des exercices de lecture du grand et sa mère.
Elle se raconte des histoires, regarde Porcinet,
fait sauter Tigrou au dessus du bras de l’halogène. Elle a des boucles d’oreille
depuis une quinzaine de jours. Elle entre en grande section mardi.
Ce matin, j’étais le patient de sa séance de
coiffure. Ciseaux en plastique, brosse à maman et grand peigne qui me ratisse
le cuir.
Je la regarde, elle change. Terriblement, déjà,
elle est grande, s’affine. Elle est coquette, choisit ses vêtements, disons, qu’elle
se montre féminine. Elle a des gestes, comme si devenir une fille, avec plus de
soins qu’un gars, plus de douceur, tout est instinctif.
Cinq ans, t’imagine pas, je m’étais trompé la
dernière fois en lui en donnant six. Ce n’est pas tant que je souhaite qu’elle
grandisse, oh ça non, mais je devais sentir qu’elle changeait, que le bébé
partait, s’éloignait.
Heureusement, il reste encore des attitudes qui me
rappellent qu’il y a plusieurs mois, je la portais dans les bras sans vraiment
d’efforts.
Je vois sa frimousse, elle charme, sourit quand il
faut. Elle sait déjà bien des choses.
Bien entendu, elle voulait se marier avec son papa.
Nous lui avons expliqué. Ni avec moi, ni de la même famille. Et pourtant,
quelque part, bien sûr ma puce que je suis d’accord. Il va te falloir être bien
désagréable dans quelques années, faire encore plus de caprices qu’aujourd’hui
et je comprendrai que tu voudras l’indépendance. Logiquement et sans mal.
Tu le sais bien que je culpabilise plus lorsque je
me fâche contre toi et tes centaines de bêtises. Ton frère, c’est un gars, ce n’est
pas pareil.
Décidément, je n’arrive pas à croire ceux qui
disent qu’ils élèvent des petits gonzesses comme des petits gars, sans vraiment
de différences.
Elle vient de me demander un bonbon. Je refuse.
Quinze minutes après le déjeuner, et puis quoi encore ? Je la traumatise
jusqu’au goûter. Je regarde ses pieds. Ils sont grands. Bientôt, ils
dépasseront la longueur des mes mains.
Voilà. Son frère vient de me l’enlever pour aller
jouer.
Ah les sales gosses. Ça va être le bazar en haut,
les dinosaures vont apprendre à voler. Les Lego vont se disperser façon puzzle.
Parenthèse terminée…