Essai décisionnel
Il y a un drôle de syndrome, un
réflexe idiot, celui des responsabilités. Plus tu grimpes, plus tu es censé en
avoir, en assumer. La dérive commence ainsi, tu commences à t’éloigner de la
base qui te paye inexorablement ton salaire. Tandis que toi, tu coordonnes, tu
organises, tu écoutes, tranches, arbitres. Un Roi Salomon d’entreprise à ton
niveau.
J’ai constaté que si tu te
débrouillais correctement (cela veut dire ‘déléguer intelligemment’), tu
pouvais bien vivre.
Quoi, que dis-je ? Plus tu aurais de responsabilités, moins t’en
ferais ?
Comment expliquer que le travail est
différent.
Comment expliquer qu’il s’agit d’un
travail quand d’autres triment physiquement. Et pour bien moins.
J’ai des crises de culpabilisation
alors je conserve ces tâches que je faisais il y a dix ans. Pour ne pas tout
déléguer, pour ne pas laisser tout le rébarbatif.
Mais le syndrome reste là. Je tombe dedans
de plus en plus souvent, me laisse aller au confort, à la facilité. Un mèl, une
patate chaude renvoyée, c’est plus rapide qu’une réflexion pour trouver la
solution.
Savez-vous qu’il s’agit d’une maladie
nationale ? Peut-être mondiale.
Mais pourquoi ? Puisque le haut
de la pyramide est payé encore plus pour cela, il faut trouver chez eux la responsabilité
de cet état de faits. J’ai bien ce mot, responsabilité. Quel sens nuancé. Responsable
de quelque chose. Quand j’étais gamin, je n’aimais pas, désormais, je me fais
un plaisir d’assumer.
Mais aujourd’hui dans ces
organisations dénuées de logique et de bon sens, des gens savent mieux que d’autres,
sous ces prétextes amusants : études, expériences, …
Quelquefois, c’est vrai, et il arrive
même que certaines personnes sachent s’en servir.
Mais la plupart du temps, le haut n’interroge
plus le bas, la décision s’unilatéralise ou même s’horizontalise au même étage.
Pourquoi demander au chef d’équipe ce
qu’il en pense ? A part pour prendre le risque de se faire contredire ?
De compliquer une situation qu’on pense limpide (logique nous sommes payés pour
éclairer de nos décisions et de nos avis nos collègues, ceux qui ne savent pas
réfléchir et prendre le recul, logique, puisqu’ils ne sont pas responsables).
Pourquoi le chef d’équipe demanderait
à son équipe ?
Pourquoi le ministre demanderait aux
spécialistes s’il est possible ou non d’interdire des croisements entre
certaines races de chiens ? Ben, non, le vétérinaire ne fait que de
vacciner contre la rage.
Alors, de la politique à nos
entreprises, nous ne demandons plus trop les avis des spécialistes, c’est
chiant les avis et puis ça ralentit tout.
Il vaut mieux une décision
irréalisable mais rapide (cela s’appelle la réactivité) qu’une décision lente
mais efficace.
Vous voyez, dans une entreprise, il
suffit de bouger beaucoup, de prendre des décisions, d’essayer de les assumer
et tout se passe bien. Lui, il est actif. Quelqu’un d’actif est bien sûr
toujours efficace.
Tout n’est pas si sinistre, il y a
pire. Il y a ceux qui prennent ses décisions rapides sans jamais reconnaître leurs
erreurs. Et il y a ceux qui ne veulent jamais décider.
Un équilibre entre tout cela et on y
arrivera.