Veni, vidi
Oui, onze jours depuis le retour
latin, les retrouvailles des gamins, la reprise du travail.
Quelle difficulté de se remettre du
dépaysement, comme rarement, parce que le travail n’est plus vraiment le
travail. Parce que le temps, ah le temps, ici, c’est vraiment l’automne branché
à l’hivernale.
Rarement plus difficile parce que c’était
court et de la concentration de bonheur, parce qu’il faisait beau aux manches
courtes, que tout s’est bien déroulé, des kilomètres à pieds fourbus aux
pizzerias, aux décors, aux étonnement, à la douceur de vivre. Dolce vita.
Malgré le contentement de revenir
serrer les enfants, c’est si contradictoire, les images restaient devant les
yeux.
Et puis se laisser servir, ne rien
penser, sans contrainte, juste suivre la carte, se dire que vraiment, ça valait
le coup d’avoir mal aux pattes.
Le retour décalé au bureau, la
volonté de ne pas se débrancher des moments de l’avant-veille.
Juste le ciel bleu au fond des
pupilles.
Et les souvenirs vingtenaires qui ont
changé parce que c’est en fait différent. Mémoire sélective et bribes. Ce n’est
pas bien grave, finalement.
La vue de Rome à la nuit tombante, à
l’obscurité installée, au petit matin d’un sommeil sans faute.
Etre à deux, juste, loin du Monde
mais au milieu de la foule quelquefois.
Repenser l’important, savoir.
Difficile de l’exprimer, revoir les
mille photos et revenir.
Alors depuis, pas moyen de ne plus y
penser.
Je me fous de tant de sujets qui font
vibrer les voisins.
Ensuite, les semaines et les mois
vont passer. Ce sera l’autre formidable souvenir.
Je revois pourtant tout le chemin
parcouru. Et les rues, ruelles, monuments, le découpage de ces journées,
presque à la minute. La fatigue, les jambes allongées, le bain du dernier jour.
Comme l’effort nécessaire. Chaque repas, le menu, d’un plat de gnocchis qui n’arrive
pas dans une arrière salle au faste d’une villa. Les basiliques, forum, Colisée,
quartiers vraiment latins pour l’occasion, les places vastes et bondées à la
fois, les fontaines, le Tibre, les surprises de rue, la circulation, ces
romains en centurions et portables à la main, les pavés à se tordre, les
touristes, les collines calmes et ombragées, les ruines, on ne se rend pas
compte, la hauteur, l’immensité, les coins au silence étonnant, la quantité d’Histoire.
Et nous deux au milieu.
Alors au bout, qu’y a-t-il donc.
Je peux le garder comme un autre
repère.