Anges et des mots
A en croire que le malheur serait contagieux et quune protection superstitieuse serait efficace.
Faut-il donc que ce soit lironie dont juse
souvent qui soit mon propre bouclier contre les mauvaises ondes et sales
évènements de la vie.
Ne parte t-on pas dironie du sort ?
Nous ne citons pas encore le vrai nom du crabe au
cas où. Sous de semblants pudiques de longues maladies, nous protégeons quoi ?
Nous parlons de décès mais pas du traumatisme des
maladies.
Nous parlons chiffres mais pas humainement.
Il vaut mieux. Il faut lustrer nos sensibilités
personnelles car nous sommes tous concernés.
Pendant ma semaine de congés, jai dévoré en moins
de jours quon ne compte de mousquetaires chez Dumas un livre passionnant.
Il parle dun fait divers et de tout ce quil
implique comme bouleversement dans la vie des gens.
Il parle de la mort froidement en un chapitre et dune
lutte pour la vie dans tous les autres.
Il parle damours.
Il décrit sous certains aspects fantastiques une
vision rassurante et agréable de lau-delà.
Ce serait presque une thérapie en 350 pages. Au cas
où.
Nétant pas concerné, bien heureusement (touchons
du bois, croisons les doigts, prions, brûlons une vierge sur un bûcher un soir
de pleine lune), je ne pouvais cependant mempêcher dimaginer lhorreur, je ne
pouvais éviter de massocier aux personnages si réels du livre.
Et quand je parle dassociation, je songerai plutôt
à ces romans où on peut sidentifier aux profils de ces acteurs en papier.
Par moment, la lecture devenait insoutenable et
insupportable mais je restais les yeux fixés une ligne après lautre sur ces
pages.
Ce nest quon roman.
Bien sûr.
Parce que sous une autre forme, on ne saurait quoi
en penser.
On ne peut pas protéger. La vie est ainsi faite.
Dans nos vies, il peut y avoir deux séismes.
Une collègue en pleine cinquantaine mavait affirmé
que lenfant ne passait à lâge adulte quau moment de la disparition de son
dernier parent. Quimporte lâge de nos artères.
Selon la voie naturelle, nous sommes les suivants
sur la liste.
Je suis donc encore un enfant et men satisfait
tout à fait.
Des fait divers me rappellent trop souvent que la
voie naturelle, chronologique, généalogique presque peut être bouleversée.
Perdre son enfant.
Cest aussi le sujet du livre.
Je lexprime sur le bout des touches afin quaucun
fil du destin ne soit sectionné.
Comme par superstition...
Ce livre ma marqué à divers niveaux et je ne
saurai comment vous le conseiller. Que vous soyez parents ou non.
Il se pourrait que vous traversiez aussi les pages
avec un regard emprunté dune grande banalité, sans rien éprouver, sans
crainte. Ce serait une question de sensibilité différente.
Il ne sagit pas de savoir si les mots choisis
ouvrent des portes académiques.
La nostalgie de lange.
Alice Sebold