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Le Bar Nabé
10 mars 2005

Anges et des mots

Il vaut peut-être mieux ne pas en parler, ne pas y penser.
A en croire que le malheur serait contagieux et qu’une protection superstitieuse serait efficace.

Faut-il donc que ce soit l’ironie dont j’use souvent qui soit mon propre bouclier contre les mauvaises ondes et sales évènements de la vie.
Ne parte t-on pas d’ironie du sort ?

Nous ne citons pas encore le vrai nom du crabe au cas où. Sous de semblants pudiques de longues maladies, nous protégeons quoi ?
Nous parlons de décès mais pas du traumatisme des maladies.
Nous parlons chiffres mais pas humainement.

Il vaut mieux. Il faut lustrer nos sensibilités personnelles car nous sommes tous concernés.
 

Pendant ma semaine de congés, j’ai dévoré en moins de jours qu’on ne compte de mousquetaires chez Dumas un livre passionnant.
Il parle d’un fait divers et de tout ce qu’il implique comme bouleversement dans la vie des gens.
Il parle de la mort froidement en un chapitre et d’une lutte pour la vie dans tous les autres.
Il parle d’amours.
Il décrit sous certains aspects fantastiques une vision rassurante et agréable de l’au-delà.

Ce serait presque une thérapie en 350 pages. Au cas où.

N’étant pas concerné, bien heureusement (touchons du bois, croisons les doigts, prions, brûlons une vierge sur un bûcher un soir de pleine lune), je ne pouvais cependant m’empêcher d’imaginer l’horreur, je ne pouvais éviter de m’associer aux personnages si réels du livre.
Et quand je parle d’association, je songerai plutôt à ces romans où on peut s’identifier aux profils de ces acteurs en papier.
Par moment, la lecture devenait insoutenable et insupportable mais je restais les yeux fixés une ligne après l’autre sur ces pages.

Ce n’est qu’on roman.
Bien sûr.

Parce que sous une autre forme, on ne saurait quoi en penser.
On ne peut pas protéger. La vie est ainsi faite.

Dans nos vies, il peut y avoir deux séismes.

Une collègue en pleine cinquantaine m’avait affirmé que l’enfant ne passait à l’âge adulte qu’au moment de la disparition de son dernier parent. Qu’importe l’âge de nos artères.
Selon la voie naturelle, nous sommes les suivants sur la liste.
Je suis donc encore un enfant et m’en satisfait tout à fait.

Des ‘fait divers’ me rappellent trop souvent que la voie naturelle, chronologique, généalogique presque peut être bouleversée.
Perdre son enfant.
C’est aussi le sujet du livre.

Je l’exprime sur le bout des touches afin qu’aucun fil du destin ne soit sectionné.
Comme par superstition...

Ce livre m’a marqué à divers niveaux et je ne saurai comment vous le conseiller. Que vous soyez parents ou non.

Il se pourrait que vous traversiez aussi les pages avec un regard emprunté d’une grande banalité, sans rien éprouver, sans crainte. Ce serait une question de sensibilité différente.
Il ne s’agit pas de savoir si les mots choisis ouvrent des portes académiques.

La nostalgie de l’ange.
Alice Sebold


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Commentaires
L
Je ne sais pas bien pourquoi, mais cette belle note me file des frissons. Ca doit être lié à mon humeur du moment, à l'hiver, à l'élévation générale du niveau d'inquiétude qu'on peut sentir en ce moment.<br /> Donner la vie est un privilège, la porter peut être un fardeau de craintes.<br /> Livre à lire sûrement (hop, sur ma liste).
R
Notre vie est marquée par trois étapes principales : le jour où l'on quitte ses parents, le jour où notre dernier parent nous quitte, le jour enfin où l'on atteint l'âge de notre dernier parent lorsqu'il nous a quitté. Je ne sais plus de qui c'est, mais ta belle note m'y fait penser.
F
:)<br /> Merci pour l'idée de lecture.
S
J'ai lu ce livre qui m'a littéralement bouleversée, ce qui est assez rare. <br /> Cependant, je n'ai pas du tout lu ce livre en m'imaginant dans la peau d'un aprent perdant un enfant, peut-être parce que je n'ai pas d'enfant.<br /> En fait, ce livre parle du deuil, du long travail de deuil dans une famille. <br /> Ce livre parle de la façon dont le deuil nous "travaille", nous modifie, et modifie toutes les relations que nous entretenons les uns avec les autres.<br /> Bien sûr, cela concerne les parents de la jeune fille, mais aussi ses amis, le reste de sa famille, ses voisins, son petit-ami...<br /> <br /> Je vous conseille ce livre qui est plein de pudeur et écrit avec un talent remarquable. Il semblerait, d'après la note de Barnabé, que chacun de nous puisse en faire une lecture très différente.<br /> Pour ma part, je ne me suis à aucun moment dit que nous devons profiter de ceux que nous aimons tant qu'ils sont en vie, j'ai plutôt remercié intérieurement Alice Sebold d'avoir mis en mots le travail du deuil, dans sa complexité, sa cruauté mais aussi sa nécessité... car à la fin il faut renoncer jusqu'à la douleur même et continuer à vivre.
H
Très jolie note au bar en ce jour. Beaucoup de pudeur, un zest de gêne, une masse d'amour...<br /> Et moi qui sais qu'il y a des vies qui ne sont épargnées en rien, j'ai envie de nous crier ce que nous dit swahili. Ne pas oublier de savourer.
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