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Le Bar Nabé
2 juin 2005

Me souviens-tu aussi ?

 

quib
C’était il y a longtemps.

De ces souvenirs si difficiles à rappeler en surface si on ne les réactive pas de temps en temps. De ces petits échantillons d’enfance qui se perdent dans l’oubli des années qui défilent. 

Il ne faisait pas très beau cet été là. Le ciel nous offrait quelques couvertures nuageuses blanches ou grises pour mieux nous faire profiter des rayons de soleil lorsqu’ils traversaient les strates cotonneuses.
Mais il ne faisait pas froid. Il fait rarement froid sur la peau d’un enfant de 8 ans, la température de l’air n’est pas une préoccupation lorsqu’on vit avec la tête à côté des étoiles. 

maisonLa pension St Joseph de l’Océan faisait face à la mer et portait les stigmates religieux de l’occupation historique des gens de Dieu. Au dessus des lits, seules les petits croix faisaient office de décors sur les murs blêmes.

Nous croisions des nonnes, des vieux couples et des familles aux jeunes enfants.
Je ne sais pas ce qui avait décidé mes parents de choisir cet endroit atypique et sobre pour nos vacances de juillet 1979. Je crois savoir qu’ils ne s’y attendaient pas forcément non plus mais il était encore rare de pouvoir partir en vacances tous les ans à cette époque là.

 

Le bâtiment blanc crème dominait la plage bretonne de la presqu’île de Quiberon. Je n’y suis jamais retourné depuis mais les clichés retrouvés m’ont attrapé au vol.
L’atmosphère était appliquée, presque militaire. Je repense aux règles de fonctionnement de la pension de famille où il fallait préparer la table à tour de rôle, la débarrasser et s’acquitter de quelques tâches ménagères
Je crois que j’étais dans un petit lit aux montants métalliques proche de la fenêtre d’où on pouvait observer les vagues danser, monter et descendre le long du sable. Mes parents m’ont pris en photo, un matin, en plein sommeil lourd avec ce nounours bien usé aux couleurs bleues inhabituelles. 

De cette fenêtre, au deuxième étage, à la place de mes parents, j’aurai pu surveiller ce petit garçon esseulé en train de remuer les grains de sable dans ces petites mains.

Je partais, avec cette autorisation bienveillante qu’on ne permet plus aujourd’hui le long de ces temps cruels qui courent, cent mètres plus bas, sur la plage, à dix mètres de l’eau et des marées océanes, pendant que mes parents faisaient cartes postales ou mots croisés. 

Je me retrouvais seul avec mon sceau, ma petite pelle et mon râteau en plastique. Je construisais ces demeures médiévales qui n’existent que dans l’âme des enfants. Peut-être ai-je combattu les vagues à force de creuser des douves et des montagnes. Peut-être ai-je vécu de grandes batailles et de douces caresses aquatiques.
Je devais tourner la tête, de temps en temps, juste un moment reconnecté à la réalité, vers la fenêtre pour quémander un regard protecteur, sans doute dans l’attente d’un geste.
Je devais savoir que papa allait me rejoindre un peu plus tard pour m’aider, m’assister ou simplement me laisser tester avec lui le mouvement de la houle. 

Je me souviens de peu de choses de ces semaines bretonnes. 

Mais il y a eu cette petite fille brune aux cheveux courts.

Elle était un petit peu plus âgée que moi, un peu plus grande, elle avait un teint bien plus halé que moi et un beau sourire.
Elle m’a rejoint quelques fois sur cette plage et est restée s’amuser avec moi. Nous construisions des histoires plus belles à deux et nous rigolions avec l’innocence qui n’existe que pendant ces enfances là.
Je ne savais pas si elle était aussi sous le regard de ses parents, je ne me rappelle pas de nos discussions naïves. 

Mais j’étais bien avec elle comme on est bien naturellement avec quelqu’un, sans se poser de questions, sans rien attendre, sans être adulte.
Je ressens encore ce sentiment d’attente quand je ne la voyais pas venir en ces milieux de matinée en attente que le soleil se lève à son zénith. Je devais rester dans ces moments incomplets dans l’expectative d’un bonheur simple. 

Elle était jolie et il est bien possible que sois tombé amoureux d’elle.

Elle est partie. Elle ne venait plus. Elle était passée comme un nuage envoûtant.

Les vacances se sont achevées comme elles commencèrent, au même rythme doux et lent. J’avais juste quelque chose qui me manquait et je ne me disais pas encore que ce petit rien constituerait une première empreinte, une marque tout au fond de moi.
 

Quelques années après, je discutais avec mes parents de ces moments sur une plage de la presqu’île, au bord de l’eau.
Ils me confirmaient non sans une crainte soudaine qu’ils ne pourraient me laisser sur cette plage, seul, aujourd’hui.
Je leur parlais de la petite fille brune aux cheveux courts qui m’avait tant plu le temps d’un été, le temps de quelques instants volés.face_rel

Ils m’ont dit alors ne l’avoir jamais vu, ni près, ni loin de moi. Ils m’ont dit que, pourtant, ils n’auraient pas pu la rater, ils regardaient très souvent par cette fenêtre de la pension de famille, que je jouais seul.

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Commentaires
P
Ta note me fait plonger dans mon passé. mais oh, tristesse...je ne me souviens d'aucun amoureux sur la plage.
A
C'est drôle de t'imaginer petit garçon, dormant du sommeil du juste le nez écrasé contre sa peluche...<br /> <br /> Sinon, je pense que ce sont tes parents qui ont oublié, parce que c'est bien connu, les parents, ils ne sont même pas capables d'apercevoir le père Noël qui vient de se faufiler pour remonter dans la cheminée... miro, ils sont ! Alors les jolies brunettes sur la plage bretonne, même pas en rêve, pour les parents...
L
Si tu t'en rappelle, c'est qu'elle a existé Barnabé.<br /> Peut être qu'au même moment il y a une plus si petite fille que ça qui se demande si ce petit garçon avec qui elle jouait sur la plage en 1979 a vraiment existé, ou si c'est comme dans un rêve !?
C
La folie était déjà là ... si jeune ... :-)
A
J'aime bien ce ton, là. C'est superbe. Et la petite fille, ben... Moi je suis sûre qu'elle existe. D'ailleurs, ne l'as-tu vraiment jamais revue ?<br /> Dis Barnabé, tu veux bien la chercher encore ? Pour nous, allez...
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