Simplement
Si je sortais mes photos de mariage,
je reverrai ce petit homme barbu qui nous a unis.
Il ressemble à l’abbé Pierre, il a
parcouru des bouts de Monde pour aider, sans prétention, puis s’est retrouvé
dans cette paroisse de Seine-et-Marne à l’aube de sa retraite.
Nous cherchions l’église qui nous
plairait. Nous nous sommes arrêtés parce qu’elle avait un air normal, pas de ces
bâtiments bétonnés aux contours carrés ou rectangulaires, et elle avait du
lierre qui lui grimpait au clocher.
Nous ne savions pas si le curé nous
accepterait. Ils sont capables d’être si intolérants parfois à cause d’une
mauvaise adresse, d’une mauvaise motivation ou de mauvaises têtes tout
simplement.
La frustration d’une religion
inconsidérée ressort parfois par ses pères.
Un rendez-vous, une première rencontre
avec l’homme en beige, humble, souriant, accueillant.
Quelques pourquoi vite dissipés et
tout pouvait se dérouler avec simplicité.
Nous parlions librement sans dissimulation,
sans recherche de justification évasive, en confiance.
Je l’appelais ‘mon père’ aisément. Il
a le même prénom que le mien d’ailleurs. Quelqu’un de bien donc.
Comme l’abbé, il avait retenu de la
religion l’essentiel. Et cet essentiel se traduisait dans son comportement. Des
évidences d’humanité qui, au bout du compte, n’ont rien à voir avec un Dieu.
Pour être bon, il faudrait être homme
de Dieu. Idée préconçue et pas forcément vérifiable.
Sauf pour l’abbé Pierre, et le père
Michel Guy.
Alors il nous a marié, il a baptisé l’aîné.
J’ai une grande tendresse pour lui,
de ces personnes qu’on croise dans une vie et qui la marquent, qui créent un
manque une fois parties, qui rassurent dans l’humanité de son prochain.
J’en suis persuadé, il ne s’agit
vraiment pas de dogme religieux ici, de commandements, de livres de loi. Juste
le bon sens de la Vie.
Alors puisque cela devait arriver,
évidemment, le départ de l’abbé Pierre ne me laisse pas indifférent, évidemment
encore.
Je disais, un soir de la semaine, que
ces gens là ne seront pas remplacés.
Pendant une de nos réunion de
préparation de mariage, pas de celles qui se déroulent en groupe, pas de celles
qui sont administrativement dirigées, j’essayais d’expliquer mon pourquoi du
mariage à l’église.
Nous étions trois dans ce minuscule
salon aux couleurs assez sombres, aux papiers peints anciens, à la table
grinçante et aux vieilles chaises en bois, à discuter de nous.
Le temps vorace avait fait partir ma
grand-mère quelques mois auparavant. Malheureux coup de pouce qui me prouvait
que tout était compté si je n’avançais pas.
Tic tac. Tic tac.
Essayer de ne pas gâcher. Difficile
de s’en souvenir tous les jours.
Le 15 mai 1999, d’un autre siècle, je
sus qu’il avait tout compris. Il savait également qu’il ne fallait pas trop insister
sur mémé afin que je ne présente pas un regard de lapin albinos pour les photos
sur le perron de l’église. Il nous faisait un clin d’œil, il était devenu
complice avec une sagesse incroyable.
Il est temps encore qu’il reçoive nos meilleurs vœux dans sa maison de petite retraite de Gironde.