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Le Bar Nabé
1 novembre 2004

Souviens-toi (1)

Cette note est composée de deux épisodes. Je viens de découvrir que que canalblog bloque à 50 000 caractères (ou 40 000, je ne sais plus).

C'est donc indépendant de ma volonté que ça soit en deux notes (enfin, j'avais qu'à faire moins long. Certes.)

Seconde note publiée à 11h00.

 

 

Ma fille a deux ans désormais.

J'ai écrit ce texte il y a un an et l'ai publié pour la même occasion qu'aujourd'hui. Les anciens s'en souviendront peut-être.

 

Je ne sais pas réellement comment j'ai réussi à mettre des mots sur cet épisode de vie.

Mais en relisant le texte, un film, des images défilent devant mes yeux. Je revois tout.

 

A toi.

 

 

« 

L'accouchement était prévu pour le 12 ou 13 novembre. C'était un enfant de la St Valentin. Un signe comme un autre après tout.

Le ventre était vraiment tendu, rond comme un ballon et se démenait dans tous les sens que poussaient les pieds et coudes du bébé.

Le nombril ne ressortait pas sous les coups de boutoirs et la ligne sombre particulière qui sépare le bidon rebondi en deux hémisphères était moins marquée que pour le premier.

Vivre la grossesse de sa femme par procuration a quelque chose d'affreusement frustrant mais je ne suis pas persuadé de souhaiter connaître la phase de l'accouchement.

Nous n'avions pas voulu connaître le sexe de l'enfant car la surprise ultime décuple le plaisir du moment. Nous espérerions une fille après le garçon. Le choix du roi parait-il.

Nous n'aurions pas été déçu du tout si une zizounette (comme le grand l'appelle) avait pointé le bout de son nez. Peut-être aurions-nous réfléchi plus sérieusement à un troisième essai.

 

Nous avons bien profité de cette grossesse. Il n'y pas eu de complications quelconques. Heureusement.

L'atmosphère générale est plus sereine que la fois précédente. L'expérience, j'imagine.

Le temps paraissait quelques fois long, quelques fois court.

Nous n'arrivions pas à nous projeter sur l'après. Comment allions-nous faire avec deux enfants alors qu'un seul paraissait déjà phagocyter tout notre temps ?

Mais ce n'était que la plus légère des inquiétudes que nous pouvions inconsciemment avoir.

Un bébé en bonne santé, une maman aussi. C'est déjà tellement énorme comme satisfaction.

 

La fin du mois d'octobre approchait et nous avions déjà fait une escapade aux urgences de l'hôpital. Simplement une fausse alerte qui devait se confirmer comme telle.

Plus les jours passaient et approchait le terme et plus la nervosité existait. Il ne s'agissait pas de s'inquiéter de tout mais c'est un évènement sérieux.

Ma femme avait décidé d'attendre et de voir venir, pour la péridurale.

L'accouchement du garçon était passé comme un 'colis' à la poste sans trop de sensations. Sous anesthésie, sous la célèbre péridurale que les médecins prescrivent avec confiance (pour la maman et aussi pour eux).

Profiter (ce n'est sans doute pas le terme approprié) de l'intensité de cet instant unique était son choix, avec cette peur latente de savoir si elle ne faisait une bêtise.

Le courage de ma femme m'épate, m'impressionne, me terrifie.

Elle avait géré sérieusement son congé maternité pour bien se préparer, sans trop de zèle professionnel comme la dernière fois.

Nous attendions.

 

Décrire cette attente m'est très difficile.

 

Une fausse impatience en fait car la grossesse est une part de vie tellement merveilleuse à vivre.

Une autre part de ce gros gâteau d'amour est faite de ces inquiétudes liées à l'accouchement. Ce n'était pas mon rôle d'en faire part. Le futur père n'a déjà qu'un si petit rôle que ce soutient doit rester inaltérable.

Alors, je me suis caché derrière des mots d'humour comme une assistance variable face à mon inutilité.

 

 

En ce jeudi 31 octobre 2002, je travaillais, heureux du long week-end qui allait commencer.

Ma femme était chez ses parents, revenue à peine de l'hôpital. C'était une visite de routine.

Ça devait en être une et la gynécologue en a décidé autrement.

Col un peu ouvert, poche des eaux pas très loin. C'est pour aujourd'hui.

Le passage chez la sage-femme le confirme.

Avant 18h.

 

Je reçois un appel pendant le déjeuner. Je dois me dépêcher.

Je mange à peine. Plus faim. Esprit occupé. Saturé d'images.

J'imagine l'air bête que j'ai du avoir face à mon collègue, assis en face de moi à la cantine, en apprenant la nouvelle.

Je fais quarante bornes à toute allure pour passer par la maison prendre des affaires.

Je retourne dans l'autre sens à la même vitesse, excessive et idiote.

J'arrive chez mes beaux-parents. Tout à l'air d'aller.

 

Le petit bonhomme, futur grand frère va rester là, nous lui faisons de gros bisous et nous lui expliquons que le bébé va sortir du ventre de maman. Il nous regarde. Nous ne savons pas s'il a vraiment compris ce qui allait se passer.

J'attrape ma petite femme et nous partons faire les kilomètres qui nous séparent des urgences.

Nous discutons dans la voiture. Ce sont des moments étranges à vivre. Nous savons qu'il va se passer quelque chose. Presque l'heure à laquelle cela va arriver.

Nous voilà dans cet intervalle hors du temps. De rien du tout à la naissance d'un enfant.

 

A 14h00, comme entendu avec la sage-femme, nous étions fidèles au poste, à l'entrée du service des urgences maternité.

Monitoring, le bip-bip qui se fait entendre, son cœur.

Il n'y a plus qu'à attendre. Encore.

Au bout d'une heure, nous en saurons plus sur l'avancée des travaux dans le ventre qui est tout à côté de moi.

 

Les minutes sont passées.

 

Aucun changement de rythme sur le papier millimétré qui note consciencieusement et mécaniquement les contractions du muscle.

Le col n'est pas plus ouvert. Nous patientons toujours avec cette nouvelle intuition qui nous chuchote que ce ne serait peut-être pas aussi facile que prévu quelques heures auparavant.

Un sentiment d'agacement vient même perturber le temps qui passe.

Bon ça vient ou ça ne vient pas ?

 

La sage-femme n'est plus celle du matin et l'aventure change alors de direction avec les personnages.

Nous avions déjà constaté pour le garçon que l'entente et les prévisions du corps médical sont très variables. Un docteur peut dire A, tandis que la sage-femme avait dit B et que l'autre interne pensait C. Dans ces moments là, alors que l'on a besoin de beaucoup de confiance, c'est assez déstabilisant.

Nous tournons les pages de nos magazines et l'attente parait interminable.

 

Encore vingt longues minutes.

 

Juste pour voir.

Mais rien ne se passa.

C'est dommage, nous avions déliré sur ce bébé du 31 octobre, ce bébé Halloween. Sur un nourrisson qui naîtrait dans une citrouille. L'idée des faire-part était toute trouvée. Une grosse courge bien orange avec la tête du bébé qui annonce son arrivée dans le monde.

La sage-femme, accueillante dame black à l'air de mama bienfaisante, nous renvoie chez nous.

 

Nous avions le choix entre choisir un déclenchement et Dame Nature.

Nous avons décidé de laisser faire la Nature qui fait si bien les choses la plupart du temps.

Pour l'aîné, ce choix nous avait été imposé indirectement. Nous en avions eu quelques regrets d'être passés sans comprendre à l'assistance médicale.

Cette fois-ci, avec le regard protecteur de la mama noire, nous sommes revenus vers 16h au domicile.

 

Sentiments partagés. Déception réelle au bout du compte. Nous revoilà au point de départ alors que l'imagination avait déjà ouvert les voies d'un immense bonheur.

 

La soirée se passe, bizarrement.

 

Je m'endors la tête remplie de pensées qui vont et viennent autour de cette colline qui bouge à deux doigts de mes mains.

 

…

 

Je me réveille vers 5 heures du matin. Elle bouge dans le lit à mes côtés, se tourne et se retourne.

Elle ne dit rien mais je lui demande si tout va bien.

Elle a des contractions, c'est assez douloureux.

 

Bon, je ne m'affole pas, car j'imagine qu'elle m'aurait secoué plus tôt si cela avait été nécessaire.

Moi : « Toutes les combien ? »

Elle : « Dix minutes au début, maintenant c'est plus dans les cinq minutes ».

Moi : « Ah. »

Moi : « Mais ça fait longtemps que ça a commencé ? »

Elle : « Peut-être vers 3 heures mais surtout depuis une bonne heure. »

Moi : « Ah. »

Moi : « Euh, faut p'têt y aller là ? »

Elle : « Euh, oui. »

 

Alors on y a été. Le temps de reprendre les sacs qui n'avaient pas été déballés, le temps de réveiller un gros poussin qui flottait paisiblement au royaume des songes, le temps de l'habillage général, d'un coup de gant bien froid sur le visage.

Je la vois qui tient debout à grande peine. Elle s'assoit toutes les cinq secondes en se demandant à chaque fois comment elle va faire pour se relever.

Pendant ces courtes dix minutes qu'il nous a fallu pour être 'frais et dispo' dans la voiture, les contractions s'accéléraient. Beaucoup trop à mon goût.

Ma femme souffrait réellement et c'est assez rare de la voir comme cela pour que cela soit sérieux.

 

Après tout ce temps d'attente de la veille, voilà que les minutes nous passaient entre les doigts comme du sable fin de Marie-Galante.

Le temps est mal réparti dans une vie, on en a jamais assez quand on en a vraiment besoin.

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Commentaires
T
Punaise tu n'es pas charitable avec tes lecteurs Barnabé! Quoi on attends nous, dans l'angoisse en pluche! Allez la suiteeeeeeee!!! bisouille Tillie
T
Punaise tu n'es pas charitable avec tes lecteurs Barnabé! Quoi on attends nous, dans l'angoisse en pluche! Allez la suiteeeeeeee!!! bisouille Tillie
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