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Le Bar Nabé
29 décembre 2004

Voyage(s) (3)

Peu après le départ du train qui descendait vers la mer, elle s'est étirée. Délicatement, j'ai vu un bras qui se tendait, un mouvement, un redressement en position assise.

Le haut de sa tête dépassait du siège et je la regardais qui observait sans doute le paysage bien ensoleillé désormais.

Sa chevelure blonde est soignée et libre. J'ai toujours apprécié cette sorte de beauté naturelle sans autre artifice que soi.

 

 

 

Je reprenais l'écriture avec mon carnet à petits carreaux.

La situation avait peut-être quelque chose d'incongru. Que pouvait bien noter un homme visiblement installé dans sa trentaine au milieu d'un TGV la veille de Noël.

 

Au moment où elle s'est retournée, comme instinctivement comme on se retourne vers quelqu'un qu'elle se sentait l'épier ou plutôt la contempler, j'ai relevé la tête de la feuille et nous nous sommes souri.

Un sourire plus que de complaisance, un regard qui se tourne une fois et qui revient.

Mon activité, semble t-il  littéraire pour employer un terme emphatique dans la situation, a pu la déconcerter ou attirer sa curiosité.

 

Des secondes ont paru des minutes et des minutes ont semblé des heures.

Mon stylo noire restait bloqué à ces quelques phrases quand elle s'est levée.

 

Elle avait un visage doux et un sourire à damner un ange. Avec sa dizaine d'années de moins que moi, elle portait en elle la beauté des vingt ans affirmés. La jeune fille devenait femme.

Elle a passé les deux rangées qui nous séparait et s'est présentée devant moi pour me demander si elle pouvait s'asseoir sur le siège voisin.

 

Je bafouillais sans doute un 'oui', ou un 'je vous en prie' qui voulait dire bien sûr. Je rougissais comme un ballon de fête foraine écarlate prêt à éclater.

Elle me demandait ce qui méritait d'être couché ainsi sur papier pendant ce voyage.

J'énonçais des termes comme atmosphère, observation, temps réservé aux beautés qui s'offraient à mes yeux, calme, bien-être…

 

Elle entretenait la conversation autour de son étonnement face à mes motivations et mon regard étrange sur le monde qui m'entourait. Elle me disait que c'était rare de prendre le temps du temps.

Elle m'assurait que j'en étais presque bizarre ou anachronique.

Je prenais cela comme un compliment et tentais de la faire parler d'elle.

Elle m'impressionnait. Je devais paraître ridicule.

 

Ma naïveté avait totalement occulté ou presque les raisons qui l'avait amené à mes côtés alors que Nîmes approchait et que je devinais que c'était sa destination.

Pendant que j'étais perdu à mes pensées vers la gare de Montpellier qui m'attendait, je songeais en parallèle à un baiser dans la galerie du premier étage de l'amphithéâtre romain nîmois.

Le soleil serait bas mais la douce chaleur hivernale des rayons nous emporterait du pont du Gard au socle brandissant la croix du Lanquedoc.

 

 

 

En fait, alors que le train ralentissait pour se poser dans la gare du Gard, elle s'est levée de son siège, a pris son bagage à mains. Un regard circulaire a parcouru le wagon sans même m'effleurer.

Ses longs cheveux blonds couraient sur son pull sombre comme elle courait vers un autre baiser. Sans doute.

Je ne sais même pas si elle m'avait vu scribouiller dans mon coin. Sans doute que non.

 

Dans une demi-heure, j'arriverai à Montpellier où j'attendrai la correspondance vers mon amour.

 

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Commentaires
C
....ça me rappelle une certaine note de Jérémie Dollybao...dommage que ton aventure ne se soit pas terminée comme la sienne..;enfin, non, pas dommage: c'est pas sympa pour ta jolie doudou! tu as l'air mélancolique Barnabé, déprime post-nouvel an??? en attendant gros bisous! Cookie
M
C'est dingue ce que le train peut avoir comme effet sur l'imagination.<br /> Je me suis vu à ta place...<br /> C'est si joliment écrit.
I
voila comment on profite d'un simple voyage pour cocufier sa femme. Barnabé, tombeur devant l'Eternel.<br /> <br /> Et pis c'est vrai que la drague au cahier à carreaux c'est d'une classe mortelle...
P
Il s'en passe des choses dans les trains, ou dans la tête des gens dans les trains...<br /> <br /> Merci Samantdi pour l'aiguillage de la voiture Bar Nabé vers ma province enneigée...<br /> <br /> Je continue mon parcours ici, ça m'a l'air bien sympathique...
S
En lisant ces lignes, un sourire attendri me gagne... Ah le charme de la jeune fille blonde aux cheveux épars, sur un fauteuil SNCF... Que celui qui n'a jamais rêvé dans un train Corail, une micheline ou un TGV te jette la première pierre !<br /> <br /> Quant à moi, si j'avais été dans ce train, j'aurais rêvé à ce jeune homme à l'air bougon mais au regard bienveillant qui écrivait sur son carnet de moleskine noir en jetant des regards furtifs vers une petite blonde, et qui, bien sûr, ne me voyait pas!<br /> <br /> (sur le thème du voyage en train et de la jeune fille blonde, un billet très joli de Pitch, dont le blog pourrait d'ailleurs bien te plaire... C'est ici :<br /> http://decrochage.canalblog.com/archives/2004/12/17/219446.html
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