Web (4)
Sachant
qu'il est nécessaire de détourner l'attention du lecteur avant de le
choquer, un inconnu vous offre aujourd'hui une ballade romantique à
Collioure.
Chapitre 4
Préparatifs
La horde tente de se déplacer en groupe dès le
départ de la capitale.
Mais la vie, vous savez, ah ! La vie, cette chienne de vie qui sépare les familles et les amis au gré des épousailles, des déménagements et des travaux forcés à simple but lucratif.
La vie nous a éparpillé, tous, sans protection.
Juste persiste t-il ce lien virtuel qui unit les peuplades primitives qui se
reniflent le derrière avant de se saluer et qu’une ‘tain de tape dans le dos va
marquer leurs épidermes jusqu’au concours de boudine.
Franche camaraderie qui nous lie à la vie
(j’espère), à la mort (plus tard) et au rituel d’un zob à la moutarde [1].
Alors, la lutte pour le rassemblement s’organise
dans les banlieues et dans les provinces.
46, 94, 77, 60, 92 et 75. Du Lot au deuxième
arrondissement de la capitale, les régions tremblent du pas lourd et décidé de
ces aventuriers de la canette.
Qu’il est loin le temps des concours et des
universités studieuses, qu’il est loin le temps où les célibataires portaient
la troupe.
Et que voici désormais des travailleurs, des
fonctionnaires, des mariés, des concubinés, des pères, des encore en sursis.
Et que voici presque tous des trentenaires ayant
oublié de vieillir plus que nécessaire.
Notre maturité naissante nous a permis de gagner du
temps et de l’énergie dans l’organisation des jours de débauche.
La sélection des volontaires se fait aussi naturellement
qu’à l’armée.
«
- Marco,
tu feras les courses !
- Mais
qu’est-ce que je prends ?
- Tu
te démerdes, t’es un grand garçon, mais tu n’oublies pas de la Mousseline, des
merguez, des pizzas, des spaghettis avec la sauce qui va bien et des paquets de
fromage râpé. Tant que tu y es, tu ramènes des yaourts parce que faut pas
rigoler avec les laitages. Prends aussi un poulet rôti et des côtes pour le
barbec’.
Ah oui, des gâteaux apéro, des cahuètes, des chips et du saucisson. Oui, tiens
du saucisson. N’oublie pas le fromage, un bon calendos de chez ‘t’as l’haleine
qui pue après mais comme y’a pas d’filles c’est pas grave’ et du gruyère, c’est
bon le gruyère non ? Ah tiens, on ne sait jamais, attrape deux ou trois
boites de paella, c’est facile à faire et Arno, c’est le spécialiste chez
Garbit.
- Et
c’est tout ? Et à boire ?
- Bien
sûr que tu ramènes à boire ! Mais tu choisis, classique, comme d’hab’.
Bières, une bouteille de sky, un truc fort aussi genre alcool blanc, on ne sait
jamais. Faudrait pas attaquer le bar [2]. Et prends aussi Coca –pas de Pepsi,
ça a un goût de lessive- et du jus d’orange –faut des vitamines-.
- Je
prends du lait ?
- Non,
laisse tomber, on ira le matin à la ferme d’à côté, il est super bon, il sort
du pis.
- T’as
raison, au pire on envoie les deux frères s’occuper des vaches du champs
derrière la maison.
- Mais,
ce ne sont pas des vaches, ce sont des culards [3].
- Justement,
ça peut être drôle.
- Bon,
prends quand même deux ou trois packs de lait. On l’utilisera de toute façon
pour la purée.
»
Normalement, il faut être capable de tenir deux
jours, dont une soirée régulièrement riche en évènements.
Alors, les autres ramènent toujours quelques extras
pour assurer nos arrières.
C’est à partir de la composition du panier de
fournitures digestives que nous avons décidé de respecter scrupuleusement la
règle d’or de Coubertin : « L’essentiel est de partir
pisser ». Parce que, se désaltérer, c’est bien mais il faut savoir se
soulager stratégiquement entre chaque étape.
Faire du sport en résonnant comme un tonneau n’est
jamais très pratique.
[1] A partir de ce moment là du récit, il se peut
que l’utilisation de certains termes grossiers choque le lecteur et plus
particulièrement la lectrice.
Afin de marquer les esprits et que chacun et
chacune s’imprègnent du contexte particulier de l’entreprise décrite, il n’y
aura plus de censure momentanément et volontairement dans ce blog.
La rédaction s’en excuse rapidement tout en
affirmant haut et fort que ‘merde, fais
chier, ça va pas faire un deuxième trou du cul aux lecteurs de lire des gros
mots qu’ils entendent à tour d’oreilles dans les cours de récréation, dans les
transports en commun, dans les concerts, dans les magasins, dans les voitures,
dans…
D’autant qu’au départ, ce n’était pas zob que je
voulais dire.
[2] Le bar est un magnifique tonneau posé
horizontalement qui s’ouvre avec une trappe d’une façon tout à fait délicieuse.
Curieusement, nous n’avons jamais touché à ce bar. Oh, je ne dis pas que nous
n’avons jamais lorgné dessus, mais le bar en tonneau, c’est sacré, il ne faut
pas y toucher, il ne faut pas abuser de l’hospitalité des gentils parents qui
nous font l’honneur de laisser la chaumière ouverte.
[3] Pour les non initiés : « Chez les
bovins, la présence du caractère Culard
se traduit par des modifications importantes de la conformation et de la
composition de la
carcasse. Les caractéristiques de la viande sont elles aussi
modifiées, mais de façon variable selon les muscles.Pour exemple, la carcasse d’un sujet de type Culard
contient au moins 60 kg
de muscle en plus et 30 kg de graisse en moins qu’un sujet mixte abattu au même poids net. »
Et, ce sont des taureaux (parce qu’en fait c’est
uniquement cela qui est important pour comprendre l’histoire mais ça ne fait
pas de mal de s’instruire un peu en s’amusant.