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Le Bar Nabé
18 mai 2005

Soeur Cocotte, ne vois-tu rien venir ?

J’ai une sœur.

Bon, jusqu’ici, tout va bien. Une grande plus petite que moi, ça arrive aussi.
Il y a bigres années, je l’appelais Cocotte ou Ma vieille.
Ce n’était qu’une demie erreur car elle était effectivement plus âgée que moi mais, moins ressemblante à un gallinacé.

Ma chère sœur adorée que j’aime tant.
Nous nous affublions de ces termes élogieux quand nos parents étaient là, alors que nous nous traitions de noms d’oiseaux exotiques en leurs absences.

Elle a eu 40 ans hier.

A chaque année qui passe, je la sais devancer de 14 jours avant ma propre présentation devant l’horloge annuelle.
Et je la sais me devancer de toute façon de ces 6 années qui auront fait de nous, un frère et une sœur un peu trop éloignés.
Alors il y a eu la fête surprise de ce samedi soir qui me fait dire que je ne suis plus fait pour ces soirées qui dépassent 23h00.
Alors je sais que je ne m’assiérai plus à côté de Didinne, son amie d’enfance qui m’a vrillé les oreilles alors que l’entrée n’était pas achevée.

Elles se sont connues juste avant mon arrivée, au siècle dernier.
Elle m’a confirmé que j’étais ce petit frère pénible qui voulait toujours rentrer dans la chambre et jouer avec elles quand elles avaient déjà des préoccupations d’adolescentes.

Je me rappelle cette porte qui restait fermée trop souvent et ma mère qui me conseillait de faire autre chose et surtout d’arrêter de les embêter. Je traversais alors le couloir et rejoignais la pièce d’en face pour noyer mon chagrin de chieur abandonné avec mes Legos.

Je ne participais pas à ces drôles de réunions de filles, à la création du club des 4 avec une formule tirée droit du roman d’Alexandre Dumas. Je regardais, après la fête, les guirlandes en papier crépon, les quelques dessins et ballons.

Je n’ai rien su de ses amours de collège ni de lycée. Tout juste attrapais-je au vol des rires et des histoires.
Elle aura été aussi discrète que moi. Sans doute notre éducation.
 

Je n’avais pas le droit d’utiliser la belle calculette Sharp qui trône encore souvent sur la table de la salle à manger, quand je vais lui rendre visite quelque fois. Quelques exercices de cours moyens ont tout de même été réalisés avec l’objet interdit et je la rangeais rapidement dans le tiroir de son bureau avant que ma soeur ne rentre du lycée.

Il y avait d’ailleurs dans ce bureau clair des coins secrets et un journal intime que je n’osais profaner qu’à de très courtes occasions et bien plus tard. Je devais alors être au lycée et ma sœur à l’université.
Un tableau d’une danseuse, un poster de chien et un autre de cheval.
J’ai des souvenirs bien précis de ma grande sœur sans pour autant avoir eu l’impression d’avoir eu cette connivence qu’il existe parfois entres frère et sœur.


Et je fus loin d’être malheureux par rapport à cet exemple à suivre que je n’aurai pas su imiter jusqu’au bout de son post-doctorat. Elle fut en quelque sorte un moteur pour ne pas décevoir.L’arrêt de ma maîtrise a été le signe de l’affranchissement face au modèle. N’en déplaise à mes parents, je partais libre, au service militaire puis passant de CDD en intérim. Je n’étais définitivement pas fait du même métal que ma sœur.

Un fiancé, futur mari, et je n’ai pas su être suffisamment proche quand elle en aurait eu peut-être besoin. La seule fois.
Je crois qu’elle ne le demandait pas non plus.
Quelques temps plus tard, c’est elle qui me proposait ces conseils que je refusais aimablement. Nous acceptions mutuellement que nous ne saurions jamais adopter cette complicité familiale.

Deux enfants plus tard de part et d’autre et nous nous retrouvons par moment.
Comme les deux adultes que nous sommes devenus chacun de notre côté.
Nos sales caractères resurgissent au détour d’une réunion de famille afin qu’on assure à nos parents que rien n’a changé, mais nous profitons de plus en plus de nos histoires et de nos expériences.

Cocotte a 40 ans.
Elle n’est pas vieille puisqu’il s’agit de ma prochaine dizaine.
Des rides sont apparues sur son visage mais je ne vois pas les miennes quand je ferme les yeux. Ou alors, elles accompagnent nos sourires.

Ma mère craint que nous nous éloignions trop, que nous ne nous parlions plus.
Je ne sais comment lui dire que les années qui passent ne nous éloignent pas plus.

Qu’il y a seulement 6 années et que cet écart dure depuis quatre décennies.

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Commentaires
P
Je n'ai pas ce soucis avec ma soeur puisque nous n'avons qu'un an d'écart, et que nous savons presque tout l'une de l'autre. La seule chose que je crains, c'est de la voir s'éloigner à 800 km. Mais j'ai eu un an pour m'y préparer. je ne verrai pas mon petit neveu de 7 mois pousser, mais j'aurai au moins vu ses premières dents.
B
>swahili & Heidi: ben merci !
H
avec un "e" à joli !
H
Oui c'est vraiment une très joli note :-)
S
Je suis à la bourre, mais je tiens quand-même à te dire mon total respect pour ta belle note, moi qui ai beaucoup regretté de n’avoir ni frère ni sœur, et qui espère très fort que mes filles garderont des liens solides lorsqu’elles seront adultes…
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