Fi des lités
Sous le toit, nous avons réparti les tâches administratives.
Elle pour ce qui concerne les enfants, moi pour le reste.
Il y a tellement d’escrocs dans ce bas monde que je ne pouvais
raisonnablement pas laisser à ma ‘tite femme le soin de surveiller les factures
d’eau, d’électricité, de gaz, du crédit, de la banque et que sais-je encore. Ah
oui, la facture du téléphone.
Il est vrai que poser une malheureusement enveloppe sur
l’Everest de bordel qui jonche son bureau est un gage de paiement aveugle
envers toutes ces sociétés prédatrices des utilisateurs confiants.
D’ailleurs elle vous dira que si c’est un bazar apocalyptique
sur son bureau, c’est que 1. Je lui balance tout et n’importe quoi dessus (sauf
les factures), 2. Elle ramène du travail à la maison étant donné qu’elle, elle
doit travailler à la maison (en dehors de ses 27h de cours et pendant ses 3
mois de vacances), 3. Les enfants profitent de son ordinateur pour jouer à Dora
et à Lapin Malin (assez con finalement ce Lapin si on y regarde de plus près),
4. Merde alors, son mari n’a qu’à rentrer plus tôt le soir et elle aura le
temps de ranger son bureau au lieu de s’occuper de ses enfants (sauf que
maintenant que l’un regarde la télé et que l’autre barbotte, elle blogue à
donf) et il n’y a pas de 5 car à 5 elle s’énerve pour de bon.
Donc, il m’arrive, consciencieusement de surveiller la liste détaillée des appels téléphoniques émis de notre maison picarde. On ne sait jamais, que Cégétel aurait décidé de me facturer un appel aux Maldives en heures pleines alors que tout bien pesé, je ne connais personne là-bas, bien que je sois persuadé de l’intérêt profond que puisse avoir des amis habitant sur cahute au dessus d’un sable fin et d’une mer bleue.
Ce n’est pas difficile de lister cette seule page de numérotation
car nous n’usons que très peu notre téléphone car nous sommes seuls au monde. Pas
d’amis, non.
Et voilà t’y pas qu’un numéro étrange, de notre département
d’adoption pour adultes en quête de Nature et de forêt chatoyante, apparaît à
de nombreuses reprises, régulièrement oserai-je dire, hebdomadairement que je
n’exagérerai à peine.
Vers 19h, un peu vers 19h15. L’heure à laquelle si tout ne se
passe pas trop mal, je rentre chez moi.
Alors bien sûr, je demandai à ma ‘tite femme, bien plus à même
de me renseigner puisqu’elle passe plus de temps à la maison que moi pour les
raisons susdites, quel avis elle pouvait émettre au sujet de mon interrogation
suspicieuse auprès de Monsieur le 7 (de Cégétel).
Elle ne savait pas. J’insistai avec l’humour qui me caractérise
tant.
Ben oui : « Bon alors, c’est ton amant ? Tu
peux le dire puisque je l’ai découvert. Appelle le, ça ne me gène pas. Tu vois
comme je le prends bien ? »
Toujours, elle niait l’air niais.
Je sentais poindre de l’agacement face au titillement moral d’un
char Panzer. Respectant alors mes principes, je continuais, non sans cette
force humoristique formidable dont je suis capable de faire part sans qu’on me
le demande, à accentuer mon questionnement (avec l’ampoule 100W dans la tronche
pour faire parler).
Certes, je revenais trois fois à l’assaut pour grimper ma forteresse conjugale.
Elle partit l’air de rien quêter une besogne maternelle comme
aller chercher le pyjama rose de sa fille qui courait nue dans le salon tout en
contrôlant ses dérapages humides.
C’est ainsi, de guerre psychologique lasse, elle revint me
voir, l’œil vainqueur et amusé, en me demandant si cet amant supposé n’était
pas le pizzaïolo du samedi soir.
Je répondais alors dignement que oui, effectivement, ce n’était pas
bête.
Et là bien sûr, ce sont des doutes qui fusent et des remarques
désagréables sur le fait, somme toute inattendu, que soi-disant, par exemple,
par une constatation étrange voire, étonnante, je douterais de sa fidélité et
que ce serait pour cela que bla bla et bla bla.
Alors que, je n’ai aucun doute sur la fidélité de ma femme puisque
je suis un homme incroyablement séduisant qui ne peut être quitté pour un autre
homme.
Par contre, la susceptibilité des femmes n’est décidément pas
leur meilleure qualité.
Allez savoir si … enfin non rien.
C’est terrible de nous faire autant de mal alors que nous avons
autant de mal à nous les faire.
(Franck Dubosc, philosophe)
Vous pouvez toujours lire son avis mais ça n’apporte pas grand-chose. Non.