Réveillons nous
Il y a un temps où j’aurai été ravi d’être invité.
Message reçu, je l’ai appelé de suite, je lui ai expliqué. Non, ce n’est pas le
bon moment pour s’étendre en explications. Je n’aurai pas pu me taire, ils
auraient fait de même. Nous nous serions regardés en chien de faïence, notre
ancienne amitié valait mieux que ça. Avec lui, c’est simple de justifier.
On ne tourne pas une page devant une coupe de
champagne. Enfin si, nous pourrions, nous pourrions faire semblant, se dire des
choses gentilles pleines de regrets, compréhensives entourées de promesses que
nous serions incapables de tenir.
Nous pourrions rigoler comme avant. C’est justement
cela le problème, nous rigolons désormais comme avant. Nous ne rigolons pas
ensemble aujourd’hui.
Et si, comme le dernier dialogue, cela se
transforme en leçon de morale et de savoir vivre, je sais que je ne pourrai pas
ne pas m’énerver. J’ai passé cet âge là et je m’en porte sans m’emporter.
Ce qui me rassure, c’est Eric. Il ne se pose pas
ces questions où tout du moins reste discret, il reste à cette distance
nécessaire comme il aura toujours su le faire en ménageant ses envies et celles
des autres. Lorsque je suis l’autre, je suis critique mais il a fait des choix.
Il avait raison bien avant moi. J’ai fait de même.
Comme on le lui a reproché il y a quinze ans sans
trop qu’il s’en soucie, c’est à mon tour. Peu importe. Cela pique mon orgueil
mais je ne suis pas sûr de l’utilité de la confrontation.
Alors je serai toujours celui qui ne veut pas les rencontrer.
Ce sera mon humble faute et cela fera un sujet de discussion pendant le foie
gras.
Je suis sans doute idiot. Ils me disent de venir
quand je veux, juste un coup de fil pour savoir s’ils sont là. Ils ne
comprennent pas mon argumentation. Les enfants, notre réactivité, le choix sur
le fil.
Ils fonctionnent toujours comme à nos 18 ans où
nous passions notre temps libre chez les uns et les autres. Je dis, fixez un
jour, un soir, peu importe, nous serons là. Ça ne peut être plus clair.
Mais aucune date n’est fixée depuis plus de trois
ans.
Je ne sais même pas pourquoi je devrais me
justifier d’ailleurs. Toutes les excuses sont bonnes mais nous ne parlons plus la
même langue. Ils ont la force du nombre. Ils peuvent philosopher, se monter le
bourrichon sur le fait que j’ai changé.
Eric m’invitait pour le réveillon. Il y a les
autres. Il comprend et ne s’en offusque pas directement. Ce comité réduit, j’aurais
sauté de joie avant, je préférais cela à de grandes fêtes sans dialogue. Je
reverrai Eric à une autre occasion. Juste une semaine plus tard.
Sujet redondant qui, quoi que je dise, me bouffe
quand même un petit peu.
Une impression d’être attaqué sans pouvoir de
défense. Si ça continue je vais devenir sage.
Réveillon. Nous. Avec un point entre les deux mots.