D’ac, pas d’ac-ar
Cela me fait penser à ces nouveaux aventuriers qui vont grimper
le Mont Blanc en sandalettes avec quinze compagnies de chasseurs alpins
chronométrés (horloge nucléaire suisse) et sous perfusion de GPS. Mais, qu’ils
disent, ce sont des aventuriers de l’absolu, ils vont se perdre dans l’immensité
blanche d’une poudreuse qu’ils sniferont plus tard et ils vont patauger dans l’immaculé
(toi-même !) espace vierge de pas humains naturophiles.
Mais ce ne sont pas les montagnes inaccessibles qu’ils admirent
cette fois ci, mais le désert à perte de vue, le sable qui étouffe les
radiateurs, les dunes qui enlisent les 4x4 surmotorisés (pour maintenir la
température de leurs trous du cul à 37,3° sous caleçon bout filtre), les cailloux
et rochers ardus qui crèvent leur pneus crénelés, les nuits étoilées sous leurs
feux de camps qui résonnent de chansons paillardes publicitaires.
Ah ils sont beaux ces sportifs reconvertis, ces artistes Staracadérisés,
ces hommes recouverts de sueurs comme de désodorisants encore frais de leurs
dernières réclames, ces bourrins des chevaux mécaniques.
Que n’haïs-je donc pas plus ces fauteurs troubles que tous ces
autres humanoïdes décérébrés qui se disent con-courir pour la beauté du sport
et des paysages qu’ils saccagent.
Comme des canettes ou des conserves vides laissées sur un pic
himalayen ou alpin, vous abandonnez vos dommages collatéraux derrière vous.
Et ces accidents, vous les oubliez devant votre coupe de mousseux
tiède sous couvert du ‘c’est pas vous’ mais ‘c’était une aventure humaine
formidable’.
Comme s’ils n’avaient pas assez de la sécheresse, du SIDA, des
autres fièvres endémiques, des guerres de clans ancestraux, de la
mondialisation, il faut que vous veniez éclater sur vos pare-brises et buffles ces
villageois d’Afrique en traversant leurs territoires comme des pilotes stock
car en pleine foire du trône.
C’est la fête.
Ces gens sont contents, cela fait de l’animation, du divertissement,
ils gagnent au passage, comme après une caravane du tour de France, quelques
sachets de cacahuètes et autres bidons sponsorisés. Vous croyez les acheter ?
Vous donner bonne conscience en pérorant que ce rallye apporte des biens à des
populations pauvres ?
Qu’allez vous dire aux parents effondrés qui avaient réussis à
élever leurs gamins dans des conditions que vous ne connaîtrez jamais, qui leur
avaient permis, par chance, d’éviter les causes de mortalité infantile innombrables ?
Qu’allez vous leur dire en dégageant de votre pare-choc leurs
enfants qui venaient vous saluer ou tout simplement traversaient la rue d’une
hutte à l’autre, comme tous les jours ?
Je suis curieux de connaître votre alibi. Ne me ressortez pas ‘je
suis désolé’, ça ne marche plus. Ces accidents arrivent tous les ans, cela
devient des meurtres avec préméditations.
Mais rien n’y fait, la caravane passe, toujours plus vite.
Dire que ce sont souvent les camions d’assistance pour motards
perdus qui percutent les ‘sauvages’. C’est risible.
Deux morts cette année. Un seul motard s’est planté le nez dans
le sable, l’Afrique a encore gagné le combat.
Renaud avait raison dans sa chanson. Elle date de 1991, depuis
15 ans, non, non, rien a changé.
Cinq cents connards sur la
ligne de départ
Cinq cents blaireaux sur leurs motos
Ça fait un max de blairs
Aux portes du désert
Un paquet d'enfoirés
Au vent du Ténéré
Le rallye mécanique
Des Mad Max de bazar
A r'commencé son cirque
Au soleil de janvier
Vont traverser l'Afrique
Avec le pieds dans l' phare
Dégueulasser les pistes
Et revenir bronzés
Ravis de cet obscène
Et pitoyable jeu
Belle aventure humaine
Selon les journaleux
Cinq cents connards sur la ligne de départ
Cinq cents couillons dans leurs camions
Ça fait un max de blairs
Aux portes du désert
Un paquet d'enfoirés
Au vent du Ténéré
Passe la caravane
Et les chiens n'aboient plus
Sous les roues des bécanes
Y a du sang répandu
C'lui des quelques sauvages
Qui ont voulu traverser
Les rues de leurs villages
Quand vous êtes passés
Comme des petits Romel
Tout de cuirs et d'acier
Crachant vos décibels
Aux enfants décimés
Cinq cents connards sur la ligne de départ
Cinq cents guignols dans leurs bagnoles
Ça fait un max de blairs
Aux portes du désert
Un paquet d'enfoirés
Au vent du Ténéré
Combien d'années encore
Ces crétins bariolés
F'ront leur terrain de sport
D'un continent entier
Combien d'années enfin
Ces boufs sponsorisés
Prendront l' sol africain
Pour une cour de récré
Dans leurs joutes odieuses
Les bonbons bien au chaud
Au fond de leurs délicieuses
Combinaisons fluos
Cinq cents connards sur la ligne de départ
Cinq cents blaireaux sur leurs motos
Ça fait un max de blairs
Aux portes du désert
Un paquet d'enfoirés
Au vent du Ténéré