Contrat à durée électorale
Je ne savais pas si je devais être d’accord ou non avec le Contrat
Première Embauche.
Après des études aussi intéressantes que non abouties, je me
trouvais rasé de près au sortir du service national et au chom’du.
J’ai donc commencé en bas de l’escabeau et les rhododendrons de
Disneyland Paris s’en souviennent encore. De missions intérim aux CDD qui
n’avaient d’autres intérêts que de me permettre de m’installer en F3 seine et
marnais avec la future mère de mes enfants, je faisais un trou dans le monde du
travail.
Je repassais à la case départ d’une formation professionnelle
aussi fausse qu’efficace et aboutissais au bout d’un stage à un CDI dont la
fonction était aussi éloignée de mes aspirations estudiantines que Madonna
l’est de sa petite culotte un soir de concert.
J’avais le pied dans l’étrier.
Le CPE doit permettre dans mettre les pieds d’une foultitude de
jeunes dans les étriers d’une moultitude d’entreprises.
Aurais-je été heureux il y a 10 ans avec un CPE ?
Oui, parce qu’à défaut d’autres choses, c’était un contrat de
deux ans qui m’aurait apporté une formation intéressante à poser sur un CV,
plus que quelques missions intérims et autres CDD. La ligne aurait plus
conséquente à vendre auprès du prochain employeur.
Oui, parce qu’au sortir de l’école ou de l’université, il faut
appréhender le monde de l’entreprise et que tout est bon à prendre. Oui, parce
que mieux que rien. Bref, voilà le même argument décliné 3 fois.
Oui aussi parce dans la nouvelle donne professionnelle du 21ème
siècle, il faut accepter que les nouveaux travailleurs soient mobiles (7 ou 8
entreprises dans une vie professionnelle contre 1 ou 2 pour nos parents) et que
ce sont les changements qui accroissent nos qualités de tout ordre, notamment
adaptatives aux environnements de travail.
Oui, parce qu’un jeune reste un jeune et un jeune, même frais
de l’université comme c’était mon cas, ne sait absolument rien faire.
[Nous parlons ici du CPE avec le système de formation de
l’Education Nationale actuel, nous ne refaisons pas l’approche que devrait
avoir les ministères de l’Education Nationale et du Travail vers le monde
professionnel, ce qui est l’élément essentiel du dossier dont personne ne
parle : si le système éducatif formait réellement à un métier, le CPE
n’aurait peut-être pas lieu d’exister].
Le CDI ne tombe plus du ciel comme une évidence. Ce n’est sans
doute pas un hasard si lors de mes contrats de précarité pré-CDI, certaines
entreprises ont voulu me proposer un CDI. Parce que je me faisais exploiter,
que je l’acceptais et que l’entreprise avait réagi positivement à mon
dévouement.
Pour accéder à mon CDI après mon stage en entreprise, j’ai
travaillé quantitativement bien plus que les CDI du service auquel j’étais
affecté (ce qui faisait grincer des dents d’ailleurs), je me rappelle même de
la dernière journée de mon stage qui s’est achevée à 4h du matin pour une
sombre raison de reporting à envoyer à la holding. Je n’étais
pas payé.C’est de l’abus, c’est vrai, mais je l’ai accepté parce que je
voulais prouver ma valeur et mes compétences sans attendre qu’une entreprise se
disent ‘peut-être que’ en me regardant dans les yeux d’un CV commun. Ce CDI,
dans ce système de formation actuel, j’ai été le chercher aux forceps. Toutes
les autres années depuis ne sont qu’anecdotiques car j’en tire les fruits
aujourd’hui.
Mais non, le CPE n’arrangera rien de concret sauf faire
patienter la courbe du chômage jusqu’aux prochaines élections.
Car je pense que l’entreprise qui trouvera un bon CPE ne voudra
pas s’en séparer au bout de deux ans tandis que s’il s’agira d’un fumiste, elle
souhaitera s’en séparer avant ces deux ans. Oups, pardon, je suis politiquement
incorrect, il est bien connu que tous les chercheurs d’emplois actuels ne sont
pas des fumistes. Bien sûr que non.
Ils sont tous prêts à faire valoir leurs droits pour 3000 € par
mois dès le premier contrat parce qu’ils le valent bien.
Le CPE n’apporte rien de plus qu’un CDD ou qu’un contrat d’intérim
sauf pour le ‘jeune’ qui se fait une expérience plus conséquente. Il est
toujours en précarité, toujours gêné vis-à-vis de ses demandes de crédit, etc…
La personne à la recherche d’un premier emploi est-il prêt à
faire une concession ?
Le monde du travail a changé. Peut-on revenir en arrière
aujourd’hui ?
Dans ce monde de la facilité, quelle est la nouvelle limite de
ce qu’un ‘jeune’ peut accepter pour un premier emploi ?
Quelque chose me dit que cette limite a été nettement abaissée
depuis plus d’une dizaine d’année à cause de discours politiques et télévisuels
abrutissants.
Je préfère penser qu’on recueille toujours le fruit de son
travail à un moment donné. Je suis utopiste mais je songe à mes parents et mes
grands-parents qui sont partis de rien, d’absolument rien et en qui je dois d’être
là aujourd’hui.
Mais il est vrai qu’à eux, on ne leur avait rien promis.
Je ne suis donc pas forcément le bon exemple.
Le CPE ne
changera rien mais il y contribuera (cette phrase ne veut rien dire).