La mer fait des vagues la nuit
Y’a une histoire complètement dingue. Aussi débile qu’universelle.
C’est l’histoire d’un type qui se trouve au lit pendant que sa
femme, mère de ses enfants, se lève en pleine nuit pour secourir sa fille
beuglante.
Et le type, il ne se lève pas. Non, c’est la maman qui s’y
colle. Uhu ! me direz-vous, c’est toujours comme ça !
Ben oui, peut-être mais il y a déraison (oui, en un mot) que l’amour
parental peut expliquer.
Parce que le type, déjà, il dit que, lui, il n’a pas un boulot
de fonctionnaire (un vrai métier qu’il a qu’il dit). Mais d’aucuns diront que
ce type est machiste entiché d’un esprit limité de salarié du privé.
Mais bon, le type a le droit d’être de mauvaise foi. Parce que…
parce que bon.
La nuit, il dit aussi que d’abord, c’est pas son nom que sa
fille a hurlé. Non, la fille a dit : MAAAAAAMAN et que même ça fait
grésiller le haut-parleur du Baby-Sono500wattsdans
tes oreilles.
Alors, la mère, elle dit que c’est normal parce que vu que c’est
elle qui se lève toujours, la fille appelle sa mère. Du coup, hein. Voilà. Qu’elle
dit. La mère.
Ce ne serait pas un fourbe argument de l’histoire de la poule et
de l’œuf ? Hein ? Parce qu’il faudrait se rappeler qui a commencé ?
Qu’est-ce qu’elle a dit la beugleuse en premier ? Elle a beuglé PAPAAAAAA
ou MAAAAAMAN (vous notez comme l’enfant accentue dans ses braillements la
première syllabe de Maman tandis que c’est la seconde pour Papa).
Bref, on ne s’en souvient pas parce qu’à 3 heures du mat’, on s’en
fout, on veut dormir.
Donc, l’argument ne tient pas sans preuve. Hé, trouve aut’chose
la mère !
Le type rétorque que, à chaque fois qu’il monte la voir, sa fille, qu’a beuglé pourtant MAAAAAAMAN et que ça veut dire qu’elle veut sa mère et pas son père –même si elle est admirative de son papa, ce n’est pas la question-, et ben, elle l’envoie balader d’un imposant ‘groumpff’ suivi d’un ‘naaaann’ et de ’j’veux pas toi, j’veux maman’.
Alors le type, y dit à sa fille dans des termes poétiques
choisis quelque chose qui veut dire : « ouais bah, c’est papa,
tu vas pas me faire chier à 3 heures du mat’, ça caille en caleçon, j’ai
sommeil, je viens de me prendre les pieds dans la moquette, m’éclater l’orteil
sur un radeau de Peter Pan, me cogner sur ta poutre au dessus du lit. Et tout
cela pour que tu veuilles ta mère ?! Ta mère elle dort –elle !-, d’ailleurs,
elle est même pas là, ta mère, nan, elle est partie en voyage, loin, très loin,
tu la reverras jamais ta mère, y’a plus que ton père, hein ! T’as pas de
chance hein ? Alors tu fais avec et tu te tais ou en plus tu te prends une
tarte pour savoir pourquoi tu pleures. Alors tu veux quoi ? T’as soif ?
t’as fait un cauchemar ? Bon et si tu dis rien dans 3 secondes, je pars et
ce n’est pas la peine de rappeler qui que ce soit. »
Alors le type, il a pas envie de monter la nuit, ça se comprend
non ?
Parce que, au début, quand il voulait faire jouer l’alternance
nocturne malgré son travail harassant diurne, et ben, il était gentil et
attentionné jusqu’à qu’il en ait eu un poil assez de se faire rembarrer.
Alors le type, il laisse la mère faire.
Et la mère, elle dit que c’est elle qui se lève tout le temps.
Et moi le
type dit que la mère n’a qu’à dire à sa fille d’appeler son père et que comme
ça, il sera sûr de se lever en étant bien accueilli.
Il est volontaire le type mais la nuit, il a encore plus sale
caractère que la journée.
Et maintenant, tous les soirs, le type, il prie pour que sa fille ne se rappelle pas ce que la mère lui a soufflé à l’oreille avant de l’endormir.