Kronique N°28 - Un quart pour oublier
Il y a des parties manquées dans des embouteillages, un
rendez-vous qui se prolonge, un évènement familial, un compromis momentané, un
arrosage de salades. Ou bien s’agit-il que de moments brefs ou plus longs pour
un rasage, une douche ou le repas des nains, voire un coup de téléphone, un
aspirateur à passer, quelqu’un qui sonne à la porte, un dîner.
Mais dans l’ensemble chaque match comporte son intérêt. Il y a
toujours un petit moment sans prétention qui rassure le spectateur.
J’ai eu la chance de rater Ukraine – Tunisie qui fut un grand
moment de solitude pour le football.
Des autres groupes, il a été dit que France – Suisse fut le
pire match de la compétition à ce stade d’alors alors qu’on arrivait à trouver
un intérêt à Suède – Trinité etcetera. Certains matchs furent pauvres
techniquement et ou en buts.
Mais à partir des 8èmes de finale qui se terminent déjà ce
soir, tout est différent d’avant, de l’écrémage précédent.
Force est de constater que l’Argentine a relativisé son jeu
flamboyant en passant sur le Mexique en match couperet.
Vous connaissez Oleg ?
Oleg Blokhine n’est pas un rigolo. Ce fut une star en attaque
avec le Dinamo de Kiev, ballon d’or France Football 1975 mais ce n’était pas un
rigolo. Oleg était russe de l’URSS alors et ce n’était pas un rigolo.
Après l’humiliation contre l’Espagne en poules (0-4), il
employait des mots forts qui prouvait le manque d’humour de cet ancien
militaire. Il fallait bien être militaire dans les années 70 en URSS pour faire
du sport à haut niveau.
Mais Oleg est ukrainien maintenant (et toujours pas très
rigolo) et en quart de finale de Coupe du Monde pour la première participation
de son équipe.
En face, il y avait les Suisses, eux aussi, durs à cuire. Ils
ont perdu sans perdre et sans encaisser de buts dans le jeu. C’est étrange le
football, non ?
Le fait est que l’Ukraine et la Suisse ont été mêlées aux deux
matchs les plus insipides des groupes de la première phase. La France et la
Tunisie n’y ont pas été pour rien mais sont en dehors du coup d’hier soir.
Donc, je disais en préambule qu’il peut arriver de rater un
morceau ou tout un match à cause de nos vies trépidantes remplies de
tribulations non moins nerveuses.
Seulement, hier, lundi 26 juin 2006, j’ai craqué comme je cède
rarement.
Après 90 minutes de ce match, j’ai déposé les armes, je suis parti
tête basse.
On m’aurait demandé le futur score du match au bout de dix
minutes de jeu, c’était déjà transparent comme la tête pleine d’eau de l’arbitre
Ivanov. Le 0-0 nous crachait à la gueule son mépris.
Au bout d’une heure déjà, je n’espérais plus rien que de finir
mon verre d’eau gazeuse qui montrait plus d’agitation que le terrain de
Cologne. Une histoire d’eau.
Diantre que le spectacle fut aussi désolé qu’une steppe russe
près de Vladivostok. Juste quelques herbes balayées par le vent qui ondulaient dans
les tribunes.
J’ai donc quitté l’écran vers 22h50, laissant helvètes et
hommes de l’est à leurs occupations.
Il n’y avait pourtant plus que 30 minutes déjà sculptées dans
le marbre pour atteindre les premiers tirs au but de ce Mondial. Mais ce fut
trop, je n’en pouvais plus d’indigence.
J’appris ce matin que l’Ukraine rencontrerait l’Italie, égale à
elle même. J’avais fait de la Suisse mon outsider. Dommage.
Oleg, qu’as-tu fait de ton football ?
Köbi Kuhn, ton équipe sera-t-elle la même dans 2 ans pour ton
Euro ?