Le sourire de la souris
Il y a des moments dans la vie où un tas de sentiments mêlés de beurkitude vous assaillent.
Dans Les Dents de la Mer (le 1), il y a cette
plongée où on voit passer à travers un hublot englouti la tête d’un pêcheur
maladroit. Là, j’ai eu peur.
Dernièrement, dans Le
vaisseau de l’angoisse, le début était une véritable entrée dans la matière avec hémoglobine car un
câble tendu comme une ficelle de string sur Maïté lâche subitement sur le pont du
bateau hanté sur lequel se déroulait une sauterie. Les participants sont
découpés net et les morceaux s’avachissent dans un lent mouvement désordonné
(on ne range pas les bustes, les bras et les têtes ensemble).
Il y a aussi ces interventions chirurgicales à objectif
télévisuel ouvert qui font bien profiter aux téléspectateurs à l’heure de la
blanquette la précision d’un découpage de tumeur en ligne. Ou encore la pub sur
la mycose des pieds avec les ongles qui se soulèvent en même temps que les
fourchettes (allez-y, c’est cadeau, téléchargez).
Moi qui ne peux me percer la peau tout seul sans accident (manquerait
plus que je sois diabétique tiens), ou m’arracher un poil de pif trop long sans
serrer les yeux et fermer les dents, il y a de ces instants insoutenables où l’être
n’est pas du tout léger.
C’est ainsi que je regardais mon steak haché – petits pois-carottes
d’un drôle d’air tandis que la incisive restante de fiston m’était affichée à
trente centimètres de la rétine et à l’horizontale.
Une bouchée de bœuf mâché plus tard, il s’arrachait l’incisive
perfide et me la mettait sous le pif avec fierté et un « même pas mal »
tandis qu’il me postillonnait des giclées de pois et sang.
Il me termina joyeusement avec un sourire édenté de deux dents
du haut.
Dans un moment prompt de self-contrôle physiologique, je le
félicitais en cachant mon air livide.
Les enfants sont formidables.