Ciel de traine
Dix heures et vingt six minutes. Les jours fériés,
il n’y a que ça de vrai, ça laisse le temps de se faire clignoter la tête par
deux feux follets qui réclament père et mère en alternance toutes les dix
secondes parce qu’elle va aux toilettes, qu’il finit son album, qu’elle a
découpé une libellule, qu’il veut jouer à Dora, qu’elle a bien dessiné, t’as
vu, elle a bien dessiné, qu’il ne trouve plus son crayon, qu’elle montre ses
images, qu’il a fini de regarder Tom et Jerry, qu’elle veut rayer un jour sur
son calendrier, qu’il a vu qu’il pleuvait, qu’elle a tiré la chasse d’eau qui
se coince, qu’il est content pour son élevage d’escargots.
Trente huit minutes et toujours dix heures.
Hier soir, le chien reniflait le carrelage avec une
telle force de persuasion que nous nous attendions à la découverte d’une truffe
ou d’une taupe ; à moins qu’il ne se mette à vouloir déterrer un os du sol
du salon. Sorte de tamanoir à la recherche d’une odeur improbable, à moins qu’il
ne s’agisse ; comme cela est courant, de son propre pet dont il recherche
avec véhémence l’auteur.
Et pendant ce temps là, nous regardions Les Roseaux sauvages, sans souvenirs de
nombreux passages, de ce contexte de fin de guerre d’Algérie.
Téchiné me montre que nous avons traversé les
années quatre-vingt et dix de plus sans réel particularité historique, tout au
plus la post crise pétrolière, mais plus de vraie guerre française déchirant un
pays et des opinions. Si ce n’est le décollage du Front National et des Restos
du cœur.
Berlin, le mur, Tchernobyl, quelques conflits à l’Est,
en Afrique.
En météo, nous parlerions d’un ciel de traine pour la France, comme si tout rentrait
dans un ordre morne, vers l’endormissement des esprits.
Ouverture des médias et abrutissement des masses. Mêmes les faibles mouvements étudiants n’avaient pas la hauteur d’un pavé de soixante-huit. Devaquet, au baquet, et nous qui prenions le bac avec nos importances.
Et pendant ce temps, les éléphants ressortent et
ceci explique cela. Le petit nouveau a pris quelques jours de vacances, comme
un signe qu’ils n’en aura pas de si tôt.
Jour d’armistice.