Sûre veillance
De l’idée que le siècle en cours ne sera pas ponctué d’autant
de révolutions techniques et culturelles que le siècle passé.
Sans doute un peu bas du front cette remarque tout en pensant aux
gens de 1907 qui ne devaient (pouvaient) pas imaginer l’électricité, les
avions, Internet, la bombe nucléaire, le tout à l’égout, le préservatif tels
que nous les connaissons aujourd’hui (y’a aussi d’autres trucs, nous sommes
bien d’accord).
Alors j’écoutais ces histoires d’enfances des années cinquante,
un peu de soixante pendant le repas.
Et je me disais qu’une guerre des boutons ne pouvait plus avoir
lieu. Je ne laisserai pas sortir mes mômes tout seuls avant un bon paquet d’années
et non sans appréhension.
Je ne les imagine pas baguenauder dans des champs à faire des
cabanes de bottes de paille, musarder dans un coin de bois à faire je ne sais
quoi, découvrir la Nature par leurs propres moyens, les laisser en dehors des
limites de la maison jusqu’à l’heure du dîner (sauf en hiver où le soleil tombe
plus vite). Je ne les vois pas vraiment libres.
A cause de la circulation, même en Picardie dans un patelin de
trois mille âmes, à cause des gens méchants, à cause …
Surtout par le fait que nous, parents couveurs, n’avons plus
confiance dans le Monde extérieur.
Une vie plus restrictive, plus limitée, avec moins d’histoires
différentes à raconter à leurs futurs petits-enfants.
Et pourtant, les sollicitations actuelles n’ont jamais été
aussi nombreuses et aussi variées.
Paradoxe.
Alors j’écoute toujours ces histoires d’internats, de pension
que mes presque soixantenaires racontars ne regrettent même pas avec leurs
sur-gé, leurs fugues, leurs coups de règle, les bizutages, les batailles de polochon,
…
Et pourtant, il parait que la vie était plus dure avant, que les
gens étaient plus durs également.
Alors si la vie est plus facile aujourd’hui (ce qui n’est pas
faux avec ces améliorations …), pourquoi n’en profitons-nous pas ? Pourquoi
l’inquiétude est-elle plus importante ?
A se demander si nous-mêmes, déjà trop pervertis, sommes bien ramollis.
Et pourtant quelque chose me dit que l’esprit aux aguets qui
nous anime est justifié.