Lucidité matérielle
Si les objets n’ont pas d’âmes, il faudra m’expliquer pourquoi
ces putains de sachets de mes deux gonades ne veulent jamais s’ouvrir.
Que ce soient ces sachets sous vide censés protégés notre
célèbre jambon gorgé d’eau (n’en déplaise à Jean-Pierre, que nous achetons
toujours pour se dépanner d’une soirée sans foie gras ou de morue) ou que ce
soient ces saloperies de ‘découper selon les pointillés’ qui ne se découpent
jamais selon les pointillés, je hais les sachets à ouvertures simplifiées.
Cela se termine invariablement par des coups violents de paire
de ciseaux, ou de machette si je suis en colonie de vacances en Guyane.
Pour peu que j’use un couteau qui ne découpe jamais mon steak
haché, je finis avec une lame rouillée Laguiole offerte avec la dernière
livraison Damart plantée dans le gras de la main.
Et la languette sur laquelle il faut tirer qui nous reste dans les mains une fois sur deux alors que l’autre fois sur deux, elle ne veut absolument pas faire son office et s’accroche avec ses petits didis sur le plastique.
Je hais les inventions des énarques ablutionnés de créativité
théoricienne.
Qu’on me donne un de ces inventeurs, sauveur de temps et
facilitant, qui ne teste pas ses idées. Je crois que je l’étranglerai avec la
petite ficelle des sacs poubelles pour peu qu’elle ne craque pas comme elle est
capable de le faire quand le sac est rempli de victuailles avariées.
En fait, les objets m’en veulent. C’est une évidence.
Je crois que ma femme le sait.
Elle me protège psychologiquement car la dernière fois que l’ensemble
du paquet de gâteaux apéro a fini mélangé avec les poils du chien (évidemment, un
coup ça bloque, un coup ça lâche) sur le carrelage, ma ‘tite femme m’a regardé prestement
et avant même je débite mon célèbre ‘tain de bordel de merde de paquet à la con,
sa mère en short !’ d’un air fortement agacé par la fatalité, elle me dit d’un
air désolé, compatissant et compréhensif : « Non Barnabé, ce n’est
pas ça, ce paquet ne t’en veut pas. Il n’est pas vivant ».
Bon, et après, elle peine à cacher son pouffement.
Mais elle préfère me nier la vérité.
Les objets m’en veulent.
Sinon, pourquoi le fil du téléphone se démène t’il toutes les nuits pour s’entortiller alors que je le détortille tous les matins ?
La croisade commence juste, rejoignez les rangs de la lutte.