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Le Bar Nabé
20 septembre 2005

Le jour où je suis devenu un grand homme

Louis Aragon disait « Ouvre si tu peux sans pleurer ton vieux carnet d'adresses ».
cds_plaza_1A 30 ans, c’était encore sous le joug de la Place des grands hommes de Bruel. On ne se refait pas. L’air est agréable, les paroles sont jolies.

Alors nous nous sommes rencontrés, ces quelques un qui auront bien voulu venir, ou pu. Sans ceux que nous n’aurons pas réussi à joindre. Parce qu’en dix ans, tout se perd. Avec le temps va, tout s’en va dit le poète. 

Et puis, ce fut une réussite reçue en écho. Cela faisait simplement du bien de se revoir. A cause de la curiosité, du plaisir naturel.
De l’étonnement, énormément. Parce qu’il n’y avait plus des adolescents et des étudiants mais des pères et mères de famille, des artistes, des professionnels aguerris dans leurs domaines, certains qui cherchaient encore leurs voies.
Nous n’avons que très peu vu les inquiétudes.
Et finalement, des anecdotes, des mises au point nécessaires car tout était différent. 

Je n’en ai pas assez profité, je courrais absolument aux quatre coins de la salle et des dix années écoulées.
C’était sous le format d’une grande fête, avec de la danse, du bruit qui assourdissait les souvenirs évoqués.
C’était trop court pour amorcer un rêve d’immaturité. 

Nous nous sommes dit au revoir avec un sourire. Comme nous nous étions dit bonjour.
Complicité inavouée.
Comme dit la chanson, nous nous sommes promis de nouveau des choses insensées.
Irréalisées. Bien sûr. Sans regret. Parce qu’on sait que la bonne volonté ne fait pas tout. 

Alors une seconde fois, j’ai décroché le téléphone.
Après 4 ans. Je me suis dit, pourquoi pas. Si le numéro n’a pas changé.
Et il n’avait pas changé.
J’ai retrouvé l’une d’entre eux tous. Toujours sur la brèche, médecin, aux pompiers de Paris aussi, maman depuis longtemps. Elle a réussi. Non sans casse et sans difficulté. Comme tous.
On retrouve plus facilement ceux qui ont abouti. Les autres se perdent encore plus.
Comme si persistait la fierté de dire au monde : tu vois, tu te rappelles la lycéenne. Tu as vu ce qu’elle est devenue ?

 

Parce que les inhibitions, les timidités, les frustrations et les complexes qu’on avait à 16, 18 ou 20 ans se sont finalement évanouis dans un nuage de fumée.
L’adolescence s’est trouvée filtrée mentalement. Nous avons gardé tant que possible le meilleur pour se le rappeler. 

Alors pourquoi refaire l’expérience interdite pour les 35.
Cette fois ci autour d’une table de restaurant.
Plus aisé de dialoguer.
Sans doute. Peut-être sera t-on qu’une dizaine. Et encore. 

Je ne pleure pas en ouvrant ce fichu carnet d’adresse. Parce qu’il est presque vide.
Je regarde différemment l’album photo. 

J’aurai voulu qu’il m’ait ressemblé aujourd’hui. Avec ces ridules d’expression et ce visage plus adulte. Mon tempérament faussement plus sûr.
Pourtant il avait cet air candide et naïf qui me plait tant. Il avait une allure que je sous estimais alors. Il avait l’évidente maladresse.
Et je me dis pourtant que sans lui, je n’aurais pas été celui que je suis devenu.
C’est tellement contradictoire de sortir d’une chrysalide entre deux âges. 

J’ai envie de voir d’autres femmes et hommes qui, eux aussi, se sont transformés.
J’essaierai de retrouver en eux ce qui expliquait nos fous rires d’antan. Parce que le fond ne peut disparaître sous nos formes. 

Finalement, le temps n’est rien. Quelquefois.

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Commentaires
B
Je crois que j'ai beaucoup aimé vos réactions différentes sur la note.<br /> Merci !
R
Chouette!<br /> Complicité inavouée ou impossible à retrouver? N'est-ce pas finalement décevant, ces retrouvailles dont on ose à peine se dire que les fils du passé sont impossibles à rassembler? Je me demande parfois s'il ne vaut mieux pas vivre dans le souvenir, ne serait-ce que pour préserver sa propre image d'adolescent, hors de portée des rides et de l'alopécie androgénétique... (comment ça j'ai dit un gros mot?)
S
quelle joli passage de ta vie Barnabé. Ceux-là qu'on aimerait en vivre non pas trop souvent, mais plus souvent pour que ça reste magique. Ne pas pleurer en ouvrant son vieux carnet d'adresses, c'est quand même parfois bien difficile, alors çs doit être tellement bon de le voir revivre le temps d'une journée ! bisous
J
arg, maintenant j'ai une envie folle d'organiser une soirée d'anciens.
P
Aujourd'hui, j'ai fait aussi un petit saut dans le passé. J'ai revu mes années collège. on oublie trop de choses et en un détail elles ressurgissent. C'est presque magique.
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