Kronique N°25 - La pénitence
Pardon Raymond, j’ai douté.
Certes, tu as fait sortir Vieira dix minutes avant la fin,
toujours dans le but de lui faire profiter d’une standing ovation, comme Zidane
à trois minutes de la fin du dernier match. Vieira fut énorme comme rarement un
joueur le fut.
Dix minutes, trois minutes, quelque chose me dit que tu te
lâches Raymond.
D’autant que tu avais remplacé auparavant les deux milieux excentrés
(un milieu peut-il être excentré d’abord ?) en faisant rentrer Govou dont
on ne sait s’il a touché la balle sauf sur une action où il pensait traverser
le terrain en ligne droite et Wiltord qui décidément n’est que l’ombre de lui-même.
Tu as laissé un Makélélé étrangement absent des débats sauf
pour distribuer des passes aux togolais.
Ton coaching me plait, Raymond car je n’y comprends rien et c’est
bien la preuve que je n’ai absolument pas les compétences d’un professionnel du
football et donc que toutes mes remarques ne sont pas fondées.
Mais j’ai douté Raymond. Je m’excuse. J’ai pourtant dit précédemment que c’est à la fin qu’on comptera les points. Mais à la mi-temps, alors que la France devait mener 5 ou 6 à 0, j’avais déjà changé deux fois de caleçon, j’avais déjà balancé les coussins par la fenêtre et mon verre n’avait raté que de peu le téléviseur. Mon poteau, avec qui je tressaillais face à l’écran, devenait blanc ou rouge par intermittence. Nous étions deux adultes mâles à ne savoir si les occasions manquées étaient le signe de la persévérance ou seulement le signe que c’était purement une chiotte de match pourri sous de mauvais hospices.
Tant qu’il y avait 0-0, c’était limpide, nous allions nous
prendre en contre, sur la seule attaque togolaise et sur un centre tir dévié
rebondissant sur la seule ‘tain de motte de terre d’une taupe allemande élevée
par Rumenigge, un but improbable de raccroc.
C’était clair, il suffisait d’attendre, de regarder Ribéry
balancer des missiles exocet dans les étoiles, voir Treze(no)goal s’agiter et
ne pas cadrer, Henry sprinter dans le vide comme en finale de 100m olympique
pour comprendre que le but togolais était inéluctable.
Ensuite, il y eu 1-0. Je restais prostré, les mains sur la tête
pendant plusieurs secondes en me disant que non, ça n’est pas possible, on va
flipper jusqu’au bout parce que ces andouilles de coréens et de suisses d’en
face allaient égaliser.
Le ballon circulait moins nettement dans les jambes bleues et
le Togo fut inexcusable en ne cessant de vouloir marquer contre ses anciens
colonisateurs. C’est un coup à ce que la France ne se mêle plus de leurs élections
présidentielles !
J’ai douté jusqu’au second but Raymond parce qu’il arrive à mon
pays depuis 6 ans, le retour de bâton d’une réussite trop présente pendant le
doublé 98-2000 et que la réussite se vengeait avec délectation.
L’arbitrage ne fut pas fiable, comme d’habitude et je
pressentais une expulsion ou un penalty idiot comme la Tunisie dans l’après-midi.
La France serait
donc aux mêmes loges des équipes africaines pour l’arbitrage orienté de la Fifa ? Il est vrai notre
équipe est joyeusement colorée cette année et j’en entends des vertes et des
pas mures sur cette constatation extra sportive. Les arbitres de la Fifa ne se fient-ils qu’aux
couleurs de peau pour siffler à tort et à travers ?
A 2-0 sur les deux matchs à ¼ d’heure de la fin, nous
respirions et les mots d’humour revenaient. Même les mauvaises passes passaient
devant nous avec indulgence.
Il faisait frais dehors à 23h. Je me disais que l’essentiel
était fait et que le Mondial commençait enfin.
Mais j’ai douté Raymond. Pour me faire pardonner, j’ai fait
pénitence ce matin.
J’ai repassé pendant deux heures avec le Best Of de Francis
Cabrel 77-87 (véridique).
Puisses tu m’excuser un jour.
PS: hospices, auspices, à cause de l'âge de l'équipe. Non? Bon, désolé.