La conduite inconsciente
Je quittais le travail à 19h44.
Il n’y a pas d’heure pour les braves.
Effectivement j’avais l’impression d’être un brave gars.
D’un regard en arrière vers les
dernières fenêtres allumées du bâtiment, je savais que tout ce qui était hiérarchiquement
au dessus de moi était déjà parti en étant arrivé plus tard ce matin. Un brave
gars, je me dis.
Je tapotais mécaniquement sur le
volant. A 19h51, sur la nationale 19, il n’y avait pas grand-chose sur les
ondes des stations préenregistrées. Je zappais mollement sur l’autoradio.
Mes pensées partaient lorsque j’appuyais
sur le 6. Tout instinctivement je me mis à fredonner l’air.
Et
je tatata tata, et je tatata tata…
Je me disais que je n’avais pas parlé
des dernières blondes de ma vie.
L’avant dernière, c’était Diane Kruger.
Lorsqu’elle était passée dans la boite à questions du Grand Journal de Denise
et qu’un petit, sûrement effronté, osait demander culotte ou string, elle
répondait avec une pointe de rosissement string.
Ce fut la première fois de la soirée
que je détruisais mon mariage aux petits oignons.
Avec autant de réflexes inconscients que
je continuais à chantonner sur la chanson qui défilait vers l’autoroute A1 … ta da da da dada pam pam le plus haut !
tatatam … , je réagissais en un éclair à l’aveu de Diane : « ah
ouais, elle doit être bien en string ! ».
Il arrive qu’on pense des trucs tout
haut. J’aime bien penser tout haut, ça m’évite de me faire une entorse linguale
en tournant trop vite dans le dedans de ma bouche (à cause que, il parait, sept
fois, et tout ça).
A la tête de mon épouse et de son
fromage, je me suis dit qu’il est des réflexions intellectuelles qu’il ne faut
pas tenir à une femme. Ou à son morbier, question en cours.
Les lueurs brèves de la Seine St Denis défilaient sur le bitume, je roulais vite, j’étais toujours un petit peu perdu, un petit peu ailleurs. Je gazouillais, je psalmodiais en cœur avec moi-même. Et tu tatatadam en ziq funky, yeah !
La dernière blonde de ma vie, je l’ai
rencontré pour mon premier Woody. Non, ce n’était pas Madame Patate dans Toy
Story (à cause que Woody et Buz… bon laissez tomber… question de valeurs et
tout et tout…).
Allen bien sûr. C’est curieux l’image
qu’on se fait des gens qu’on ne connaît pas. Woody, j’avais une appréhension,
le genre d’impression de gars assuré de ses idées préconçues, un gars normal
quoi. Pourtant, un réalisateur qui n’a que du succès en Europe et notamment en France,
ça dit bien des choses. Bref, c’était Match Point et c’était Scarlett Johansson.
Bon une histoire ‘achement bien,
sympathique, drôle avec subtilité sur la passion et l’amour. Enfin, je résume
un peu comme ça.
…asse
frappe et tatata oque ! C’est terrible cet air.
Donc, un plein milieu du dernier
tiers du film, je commentais en expliquant que valait mieux que je n’aimais pas
ma femme passionnément finalement. Parce que la passion, bon on sait alors (même
si quand même enfin bon), tandis que l’amour un peu plus posé de tous les jours
(enfin quoi vous comprenez non ?)…
Il s’en est suivi un drôle d’échange de
cours de tennis (avez-vous appréciez le rapport avec le titre du film ?).
Ouais alors tu m’as jamais aimé passionnément
et tout ça, et tout ça…
Bon bah vaut mieux non ? Bon,
enfin les gars comprennent. Enfin, normalement ils comprennent mes mots. Les
femmes c’est compliqué. D’un autre côté, sûr que Scarlett… mais c’était malvenu
là.
Ailleurs aussi en fait.
Je continuais à piloter mon bolide de
5 bourrins fiscaux que la chanson se terminait.
C’est tout juste si je n’avais pas
battu des mains en rythme, que je ne les avais pas balancés à gauche, à droite
et en haut en beuglant un peu quand même.
Une annonce, une transition et la
radio démarrait sur le dernier Bénabar. Je revenais à moi et je prenais de la
vitesse.
Subitement, je réalisais.
Merde, c’était Nuit de Folie de Début
de Soirée.
Y’a des choses comme ça, faut pas les
dire.
Bien à vous et à bientôt.
PS : Et bises.