La 36ème heure
Allez, il
faut être raisonnable. Faire ses 35 heures en trois jours, ce n’est pas bien. Cela
pourrait être un signe de mauvaise organisation. Au moins j’aime ce travail
alimentaire. Alors bien sûr, je ne serai pas ce que je rêvais.
Si la notion de temps qui passe est passionnante, c’est
parce que j’adore revenir dessus, prendre du recul, analyser le pourquoi des
choses, le comment des évènements qui se déroulent.
Souvent (enfin, souvent, je ne saurai dire), je pense me poser dans un coin de la Nature
,
et observer pour noter. Face à la mer, une promenade dans une forêt de pins
enneigés, à travers la fenêtre ouverte d’une portière pendant que la voiture
roule au soleil couchant de la campagne, des volets que j’ouvre tôt en été et
que l’humidité emplit mes narines, et l’odeur de la pluie qui tombe quand le
sol était chaud du jour, le silence des flocons comme autant d’amortisseurs de
bruits d’alentours, l’enfant qui joue juste à côté en se racontant tout haut
ses histoires en dehors du monde, l’instant à part indéfinissable,
inracontable, indescriptible, une impression de déjà vu, des draps tout frais
lavés, l’écureuil qui fuit dans son arbre, la mésange qui vient picorer les
miettes sur un rebord, le sable qui coule entre les doigts, faire tourner un
caillou blanc dans la poche de son manteau, dessiner des figures sur un
sous-main pendant une conversation téléphonique, les cheveux de ma fille qui
viennent d’être lavés, …
Là, juste là, attendre.
La musique. Le vent dans les branches, la sieste.
Et puis tout se qu’on rate, qu’il faut oublier pour ne pas
regretter. Se donner une raison, valable ou non, des choix. Y croire. Je n’ai
pas encore peur. Un peu mais je n’y pense pas. C’est ça aussi, profiter.
Faire des listes. Y penser.
Se coucher, dormir, espérer un rêve.
Demain, la 37ème heure.